« Mademoiselle Paradis » de Barbara Albert: voir pour être vue? 🎬
A voir les yeux fermés! Magnifique narration de l’histoire d’une aveugle prodige du piano.
Vienne 1777. Maria Theresia Paradis, 18 ans est aveugle, mais en dépit de son handicap, c’est un prodige du piano-forte. Ses parents, grands bourgeois, aspirent à rejoindre la haute société et, pour y parvenir, comptent bien sur le grand talent de leur fille ainsi réduite à une chose, une utilité. Depuis sa maladie qui a plongée Maria Theresia dans la cécité à l’âge de 3 ans, ils ont tenté divers traitements sans succès. Ils décident de la confier à un praticien hors normes, le Dr Mesmer. Magnétiseur autant que médecin, il applique des méthodes qui font d’abord appel aux sens, notamment le toucher. Dans son établissement réservé aux patients fortunés, les domestiques s’activent, c’est Agnes qui est dévolue au service de Maria Theresia, qui découvre avec cette jeune fille de rien mais douce et curieuse qui devient son amie la chaleur d’une relation qu’elle ne connaissait pas à la maison.
Comme un miracle, la technique du Dr Mesmer rend progressivement la vue à Maria Theresia. Elle réapprend à voir, à comprendre ce qu’elle voit, identifier les visages dont elle ne connaissait que les voix, nommer les objets qu’elle ne distinguait qu’au toucher. Le praticien, lui aussi avide de reconnaissance, organise des démonstrations, invitant le médecin de la Cour qu’il espère ainsi rejoindre.
Pourtant, tout en affirmant une nouvelle liberté, la pianiste semble perdre ses dons pour son instrument, au point de demander à Agnes de lui bander les yeux quand elle joue.
Ses parents exigent de la récupérer mais de retour à la maison, elle redevient aveugle.
Comme un miracle, la technique du Dr Mesmer rend progressivement la vue à Maria Theresia. Elle réapprend à voir, à comprendre ce qu’elle voit, identifier les visages dont elle ne connaissait que les voix, nommer les objets qu’elle ne distinguait qu’au toucher. Le praticien, lui aussi avide de reconnaissance, organise des démonstrations, invitant le médecin de la Cour qu’il espère ainsi rejoindre.
Pourtant, tout en affirmant une nouvelle liberté, la pianiste semble perdre ses dons pour son instrument, au point de demander à Agnes de lui bander les yeux quand elle joue.
Ses parents exigent de la récupérer mais de retour à la maison, elle redevient aveugle.
À voir
Belle et triste histoire (vraie). Encore que… La narration interroge -en clin d’œil- la notion de voir. Au sens propre comme figuré. Voir et être vu(e). Être et comprendre, exister, sans voir, alors quelle vision de la vie? La déclinaison du verbe voir est alors sans limites. En tout cas, bien vu le médecin qui rend la vue à la malheureuse en sollicitant ses sens, espérant être bien vu de la Cour.
En renseignant au passage les hypocrisies de la société viennoise du XVIII°, modernisées et toujours en action dans notre monde moderne, le film pose une question simple: à quoi sert de voir si c’est pour apercevoir les turpitudes et la cupidité d’une société du factice?
En renseignant au passage les hypocrisies de la société viennoise du XVIII°, modernisées et toujours en action dans notre monde moderne, le film pose une question simple: à quoi sert de voir si c’est pour apercevoir les turpitudes et la cupidité d’une société du factice?
Outre ce questionnement, nous les voyants, ce que l’on aime dans cette évocation d’une enfant malmenée mais qui n’en a que faire, c’est la façon dont elle est contée. Plastiquement, Mademoiselle Paradis est un film magnifique comme rarement. Soin des décors et des costumes, raffinement de la lumière qui rappelle celle qu’avaient si bien maîtrisée des peintres anciens, Barbara Albert convoque Vermeer dans toute sa force mélancolique. Elle réussit un film d’époque sans le vernissage qui aseptise tant d’autres.
Mademoiselle Paradis pourrait être projeté dans une salle du musée du Louvre.
Mademoiselle Paradis pourrait être projeté dans une salle du musée du Louvre.
Mademoiselle Paradis – Barbara Albert (Autriche) – 1h37
Une histoire vraie: Maria Theresa von Paradis (1759-1824), compositrice, organiste, pianiste et cantatrice était la fille de Joseph Anton von Paradis, conseiller de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, d’où le prénom donné à l’enfant. La position de son père lui a valu la protection de l’impératrice, ce qui lui assure une solide formation musicale auprès des plus grands maîtres de l’époque. À 3 ans, elle perd la vue. À 17 ans, Maria Theresa a déjà subi plusieurs traitements douloureux et inefficaces pour son handicap visuel. Son père décide alors de recourir aux services du magnétiseur Mesmer. La détermination de la jeune fille, ses dons particuliers et sans doute un peu l’amour qui naît entre Mesmer et elle l’aident à recouvrer en partie la vue. L’anecdote veut que la musicienne ait eu l’envie de la perdre à nouveau en découvrant tout ce que sa cécité lui permettait d’éviter : pouvoir, calcul, ressentiment et avidité des êtres humains. Elle doit renoncer aux traitements de Mesmer pour mettre fin aux ragots et à la médisance de ses contemporains. De nouveau aveugle, elle poursuit néanmoins sa carrière de pianiste et de compositrice. Elle fonde à Vienne, sa ville natale, un institut musical pour jeunes filles où elle enseigne pendant plusieurs années. Entre 1783 et 1789, elle fait une longue tournée européenne. Maria Theresa von Paradis meurt en 1824 à l’âge de 65 ans.
« La Sicilienne » est l’œuvre la plus connue et la plus enregistrée. © ASC
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