« Mon père ce héros au regard si doux… » Il est remarquable que dans cette comédie (quoique!) sortie en novembre 2013 et inspirée par sa vie, « Les garçons et Guillaume à table », la première évocation du père…
… soit une ceinture déroulée, bien droite, sur un lit. A chacun son signifiant. On imagine que ça ne devait pas être tendre tous les jours du côté du paternel Gallienne dont le fiston confie dans une gazette dominicale que Madame Claude était son amie et qu’il avait le sens du panache et du bonheur d’expression : « Simenon, c’est Balzac après Freud ! »
Sur l’écran, à côté du cuir et de son alignement, impériale mais pas plus caressante, nous est proposée une grande bourgeoisie finement délurée dont il faut coûte que coûte –que dis-je ! Urgence parmi les urgences !- se faire aimer. La performance est si réussie que Gallienne fils a reçu un Prix d’interprétation masculine au festival du film de Sarlat. Sans doute parce que c’est en sa maman qu’il est le meilleur. Disons pour les besoins de mon propos que c’est son rôle le mieux campé. Ce n’est pas le seul. Il est aussi cet adolescent azimuté, phobique, papillonnant, en quête identitaire, stigmatisé dans sa latence homosexuelle et forcément inapte aux sports de la virilité sans concession. Reste le lieu de la rédemption : là où l’on naît et où l’on fait acteur. Sans maquillage, on peut « jouer » à être soi. Guillaume Gallienne est donc triple. Il est elle, il s’amuse à être lui en plus jeune et il se veut sujet de sa vie dans un ballet subtil et plutôt très juste…/…
Mot à Mot Guillaume Gallienne/Philippe Lefait réalisé en novembre 2013 à l’occasion du Festival du film de Sarlat …
…/… Réussir si démesurément à incarner, à 41 ans, dans une comédie, l’objet de son désir infantile, c’est trop top ! Pardon, on dit sublimation réussie ! Quand-même, passer des blagues de repas de famille dont le petit Guillaume a du rire -car chez ces gens-là, monsieur, on n’explique et on ne se plaint jamais (« Never explain, never complain ! ») à une pièce de théâtre dont le buzz a fait le succès et finir par un film « longuement ovationné » à Cannes comme le veut la formule, ce n’est pas rien. G.G. excelle dans le peaufinage de roman familial.
Et on rit, et c’est de l’excellent cinéma, et on peut ne retenir que la comédie. Mais le mot, mis tout à l’heure entre parenthèses, recouvre aussi une mise à distance salutaire de la souffrance d’une assignation. Se voir désigné homosexuel dans le regard de l’autre familial n’a rien d’une liberté de choix. L’injonction maternelle qui titre le film va d’ailleurs, au fil du récit se retourner pour devenir dans un dialogue tiré du réel « les filles et Guillaume à table ! ». Ce qui pourrait finir par laisser perpétuellement l’un de ses destinataires, notre héros, entre deux rives.
Sarlat, novembre 2013.
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