Plongée dans les arrières-cuisines d’un journalisme dévoyé. Au-delà, dans nos inconscientes turpitudes. Efficace.
Radu Patru vit à Bucarest avec une jolie jeune femme et son fils Matéi qu’il coache à la piscine. Il le chronomètre et le travaille au mental, pas sûr que le gamin soit aussi intéressé par une carrière de champion junior qui ravirait davantage, par procuration, son beau-père.
Radu est stagiaire au bureau local de l’Agence France Presse. Il apprend que deux prostituées mineures prises en fragrant-délit à Paris viennent d’être rapatriées en Roumanie. Il passe le tuyau à Axel, un journaliste d’une télé française qui, sentant le bon coup, rapplique aussitôt avec un caméraman: il sera leur fixeur. La petite équipe se met en chasse de l’une des deux jeunes filles, elle est localisée mise au frais dans un couvent de province. La mère supérieure refuse poliment mais fermement toute rencontre avec la proie, en dépit de la candeur mielleuse du reporter qui, rêvant d’un scoop bien crade, tente: « Son témoignage serait central pour dénoncer les trafics de personnes en Europe« . Le journaliste, a d’autres perfidies dans son attirail, y compris quelques billets, pour espérer arriver à ses fins, tellement odieuses que Radu préfèrera rentrer à Bucarest entraîner, motiver, obliger Matéi à la piscine. Chacun ses vices.
Manipulation: Acte visant à modifier la volonté d’un individu sans son accord explicite.
Fixeur est une charge très bien renseignée sur les méthodes d’un certain journalisme, celui qui cherche sans scrupules les belles audiences. Le public qui s’en délecte se raviserait-il s’il en connaissait les procédés?
Plus généralement, voilà un bel essai sur la manipulation, les manipulations de toutes sortes, y compris celles que l’on exerce sans même en avoir conscience, dans des intentions qui peuvent être aussi, parfois, louables. Axel, le français, manipule Radu, le petit roumain, qui manipule de sa pression d’adulte Matéi, l’enfant.
Bien vu, bien filmé, remarquablement joué. Après Illégitime, son film précédent, Adrian Sitaru confirme son savoir-faire dans la caractérisation de nos ambiguïtés. Ambiguïtés coupables.
Et si le cinéma manipulait lui aussi?
Fixeur – Adrian SITARU (Roumanie) – 1h39
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