Karim Aïnouz et la difficile émancipation des femmes brésiliennes 🎥 « La Vie invisible d’Eurídice Gusmão »
« Coït », dans la brutalité possible de l’acte, est la première occurrence de ce Mot à mot. Parce que Karim Aïnouz dit avoir cherché pour son film une généalogie de l’acte sexuel, notamment celle de « la première fois » dans le Brésil des années 50. Ayant interrogé des octogénaires et des nonagénaires pour mieux cerner cette époque et ses rapports sexuels, il évoque celle qui « la première fois qu’elle a vu son mari à poil, a commencé à rire parce qu’elle ne comprenait pas ce que c’était que cette chose qui pendait… »
Mot à mot du 5 octobre 2019.
On peut commencer par rire avant la domination et la brutalité besogneuse des hommes… Mélodrame populaire adapté du roman de Martha Batalha (Les mille talents d’Eurídice Gusmão), prix Un certain regard à Cannes, cette fresque familiale décline la difficile émancipation des femmes brésiliennes. Deux sœurs séparées et écartées de leur vie désirée par la dureté des pères, le silence des mères et l’arrogance et la domination masculines n’ont, à l’époque, que fierté et détermination à opposer au carcan social.
Au festival biarritz amérique latine, nous rencontrons un réalisateur brésilien qualifié désormais dans son pays de « gauchopathe ».
Coït est donc la première occurrence de ce Mot à mot biarrot…
(Sortie du film en salles le 11 décembre 2019.)
La vie invisible d’Eurídice Gusmão représentera le Brésil au Oscars et obtient à Biarritz le Prix du jury et de la critique.
Karim Aïnuz (élevé par des femmes comme d’ailleurs le colombien Franco Lolli) réussit ce double portrait notamment par l’usage d’une image numérique délavée et granuleuse qui renvoie à une autre époque, « mélodramatise » à souhait mais garde le spectateur en tension et curieux pendant toute la projection.
Aïnouz, né en 1966, s’inscrit dans la lignée du « nouveau cinéma brésilien », est l’adepte d’un cinéma social. Madame Satã (Madame Satan) en 2002 était inspiré de l’histoire de Joao Francisco dos Santos (1900-1976), descendant d’esclaves africains. Homosexuel, proxénète, excentrique et pauvre, Joao, connu sous le nom de Madama Satã, pour aller au bout de son émancipation et de son rêve, passera par la case prison.
Le Ciel de Suely (2006) est un hommage aux femmes, notamment à celles qui vivent dans le Nordeste du Brésil: aucune facilité de vie, revenus de misère, utilisées par les hommes, occupées par les enfants.
Né en 1966 à Fortaleza, Karim Aïnouz étudie l’architecture à Brasília et le cinéma à l’Université de New York. Son premier long-métrage Madame Satã (2002) est sélectionné au Certain Regard et reçoit de multiples récompenses à travers le monde. O Céu de Suely (2006) ainsi que Viajo Porque Preciso, Volto Porque te Amo, co-réalisé avec Marcelo Gomes (2009), sont invités à la section Orizzonti du festival de Venise et remportent des prix internationaux. O Abismo Prateado (2011) est présenté à la Quinzaine des Réalisateurs. En 2008 Aïnouz réalise Alice, une série pour HBO Amérique Latine. Ses installations sont exposées dans différentes manifestations comme la Biennale du Whitney Museum of American Art (1997), la Biennale d’Art de São Paulo (2004) et la Biennale de Sharjah (2011). © Festival de Cannes
La critique de Jacky Bornet Sur France info culture
PALMARES édition 2019 : Abrazo du meilleur film : La Fièvre (A Febre) de Maya Da-Rin, (Brésil, France, Allemagne) • Prix du jury : La Vie invisible d’Eurídice Gusmão (A Vida invisível de Eurídice Gusmão) de Karim Aïnouz, (Brésil, Allemagne)• Mention spéciale du jury : Canción sin nombre de Melina León, (Pérou, Espagne, Etats-Unis)• Prix du Syndicat Français de la Critique de Cinéma : La Vie invisible d’Eurídice Gusmão (A Vida invisível de Eurídice Gusmão) de Karim Aïnouz, (Brésil, Allemagne)• Mention spéciale du Syndicat Français de la Critique de Cinéma : Las Buenas Intenciones de Ana García Blaya (Argentine)• Prix du public : La Llorona de Jayro Bustamante (Guatemala, France) |
Prix du meilleur documentaire : La Vida en común d’Ezequiel Yanco (Argentine, France) • Prix du public : La Búsqueda de Daniel Lagares et Mariano Agudo, (Pérou, Espagne) |
Prix du meilleur court-métrage : O Mistério da carne de Rafaela Camelo, (Brésil) • Mention spéciale du jury : Hogar de Gerardo Minutti, (Uruguay) |
festival biarritz amérique latine
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