Une parabole en Terre sainte mais universelle. Le désir est-il négociable ou fatal? Un film bouleversant.
C’est original, étrange, déjà presque inquiétant, ils habitent dans le cimetière aménagé depuis des siècles sur le Mont des Oliviers à Jérusalem. L’intérieur de leur maison semble avoir été creusé dans la roche mais un four à micro-ondes et le téléphone portable témoignent de la modernité.
Tzvia et Reuven ont 4 enfants, encore petits, une famille juive aux pratiques ultra-orthodoxes, une famille devenue mécanique. Quand il s’emploie à la noble mission de l’enseignement de la Torah qui l’éloigne trop longtemps du domicile conjugal, elle s’épuise aux tâches domestiques sans fin. Quand parfois dans la journée elle s’aère, c’est dans les allées du cimetière. Elle s’assoit aux côtés de la tombe d’une poétesse en lui relisant ses poèmes qu’elle aime. Elle croise Abed, le discret fossoyeur arabe dont elle ne dira qu’au minimum ces rencontres avec ce musulman à son mari qui pourrait s’en fâcher.
Tzvia est une femme douce, son regard est doux, son corps est enveloppé, comme pour masquer sa liberté, c’est un corps de femme qui désire celui du père de ses enfants qui est toujours ailleurs. Une nuit où elle est à nouveau errant dans le cimetière, dans la désillusion d’un amant en panne, elle est témoin d’une scène pour le moins troublante: des hommes et des femmes enivrés font l’amour sur les tombes. L’image de cette déviance blasphématoire va la hanter tout autant que renforcer son désir. La tragédie s’installe, irrémédiablement, Tzvia est une femme douce mais oubliée.
Meurtrière bouleversante
Mountain est un film stupéfiant dans sa discrétion, profondément impressionnant. Une histoire, une thématique universelles, la religion n’est pas le sujet principal, elle n’est qu’un décor de rigueur et de frustrations dans lequel la jeune réalisatrice israélienne installe sa parabole. Quel joli culot quand même de la situer dans un haut lieu saint du judaïsme. Quel belle astuce de raconter ce drame sur ce Mont des Oliviers qui est un lieu de mort mais aussi une montagne, donc un paysage d’espérance, d’aspiration au salut, à l’élévation, au sublime.
On est dans les éléments d’une tragédie grecque, le dépouillement, la sobriété de la mise en scène de Yaelle Kayam y invitent. Pas d’effets, pas de surlignage pour dire le désespoir sourd et de plus en plus intranquille d’une femme ordinaire, finalement meurtrière, mais de qui? Shani Klein qui l’incarne est une formidable comédienne, toute ordinaire, toute en retenue, elle est bouleversante.
Mountain est un film bouleversant.
Dans « Mountain », j’étudie la souffrance physique et morale d’une femme qui est une épouse et une mère. Une femme qui n’est plus désirée par son mari mais qui éprouve encore du désir pour lui, dans un lieu extrêmement chargé de sens puisqu’il se situe au carrefour des trois religions monothéistes du monde.
Le film n’essaie pas de dépeindre la vie d’une communauté religieuse actuelle ou simplement le rôle des femmes dans une société traditionnelle. J’ai isolé cette famille et cette histoire des autres communautés existant aujourd’hui afin de créer une atmosphère de conte, une allégorieYaelle Kayam
Yaelle Kayam
Mountain – Yaelle KAYAM (Israël) – 1h23
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