« Parole de kamikaze », interrogation sur le sacrifice de soi 🎬
Pourquoi cette décision du sacrifice quand on est soldat japonais en 1944? Comment la mort peut être une façon d’aborder la vie?
Parole de Kamikaze – Masa SAWADA – France – 1h14
C’est un vieil homme, plus de 90 ans. Dans ses habits du dimanche, il parle, peu, ses silences en disent parfois plus que ses mots. Le soldat Hayashi avait 21 ans quand il intègre une unité de kamikazes. S’il est en vie aujourd’hui c’est qu’il n’est jamais parti en mission, « mon supérieur n’a jamais voulu me donner cette chance« …
En 1944, le Japon qui avait rejoint le pacte de l’Axe est en guerre contre les Etats-Unis et décide de doter son armée de sections kamikazes. De petits aéronefs sans moteur, poétiquement appelés « Ohka » (fleur de cerisier) sont spécialement conçus et construits. Bourrés d’explosif, ils sont accrochés sous un « bombardier-mère« , et largués en vue d’un bâtiment ennemi. A bord un pilote dirige la bombe volante, il n’a aucune chance de survie. Fujio Hayasi est japonais et soldat: il vénère son empereur qui a choisi la guerre et se soumet. Pas un instant il ne doute de sa motivation et de son engagement, quand il voit pour la première fois un Ohka, il dit simplement: « Voilà mon cercueil« . Sa hiérarchie, plutôt que de le sacrifier immédiatement, décide d’en faire un instructeur. C’est lui qui, après les avoir formés, enverra des dizaines de volontaires à la mort. Pourtant, alors qu’il était lui même prêt au sacrifice, il confie qu’au départ de chaque mission-suicide il se cachait pour pleurer.
L’originalité de Parole de kamikaze et son intelligence, c’est de ne pas faire un documentaire historique, il n’y a aucune archive, tout juste Hayasi donne-t-il quelques (froides) explications techniques à l’aide de modèles réduit. Le film interroge avant tout sur la mort et le rapport avec cette échéance finale. On ne sait quel accueil il a eu au Japon mais s’il fonctionne terriblement ici, c’est précisément parce qu’on est pas soldat, encore moins japonais. On ne connait pas les logiques des travailleurs de la guerre qui savent que la mort est le risque intégré d’un métier commandé par une obéissance aveugle. On ignore plus encore combien et pourquoi le sacrifice de soi appartient à la culture de l’Empire du Soleil Levant. On s’y fait hara-kiri plus souvent par déshonneur que par désespoir, quand ce n’est pas, dans des circonstances extrêmes, par dévouement nationaliste. Avec une résignation et une philosophie de la vie qui en Occident fascine quand on peine à la comprendre.
Cette forme de fatalisme engagé, Masa Sawada, le réalisateur, la sait autant qu’il intègre notre hésitation à considérer la mort comme une forme de vie: il est japonais mais a passé la moitié de sa vie en France. Ce qu’il propose – dans une belle sobriété – c’est juste d’approcher une différence. Et de nous laisser entendre ce samouraï qu’on devine plein d’humanisme, livrer cette évidence complexe: « Vivre, c’était survivre pour mourir plus tard« .
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