Le réalisateur chilien ne réécrit pas l’histoire d’une icône de son pays et du monde, il l’invente. Brillant, réjouissant, interrogateur.
Imaginons Pablo Neruda, en 1948, il est sénateur chilien, il a fait la campagne du président d’alors qui, une fois au pouvoir a renoncé à ses engagements de gauche et pourchasse désormais les opposants communistes. Neruda, le poète déjà reconnu et populaire en est, il doit entrer dans la clandestinité. Historiquement ce sont les faits, Larrain et son scénariste, Guillermo Calderón, en inventent malicieusement les détails. Voilà le poète, plus tard couvert des honneurs d’un Nobel, montré jouisseur, macho, égocentrique, comme déjà embaumé par sa légende, se mettant en scène et administrant ses sentences à une cour qui ne saurait les contester.
Un flic discret mais ambitieux et tenace, Oscar Peluchonneau, est mis à ses trousses, c’est sa voix entêtée autant qu’admiratrice, donc jalouse, que l’on va entendre d’un bout à l’autre de sa traque, en off, alors qu’il poursuit une mission impossible. Mais qui est donc ce fonctionnaire zélé qui, jusque dans les neiges des Andes, arrive toujours trop tard dans les caches de sa proie.
Un flic discret mais ambitieux et tenace, Oscar Peluchonneau, est mis à ses trousses, c’est sa voix entêtée autant qu’admiratrice, donc jalouse, que l’on va entendre d’un bout à l’autre de sa traque, en off, alors qu’il poursuit une mission impossible. Mais qui est donc ce fonctionnaire zélé qui, jusque dans les neiges des Andes, arrive toujours trop tard dans les caches de sa proie.
Trucages
Neruda n’est sûrement pas un biopic de Ricardo Eliécer Neftalí Reyes Basoalto, dit Pablo Neruda, poète et homme politique chilien (1904-1973). Pas davantage un anti-biopic qui proposerait des éléments plus ou moins vérifiés pour discuter ou mettre en cause l’image qu’une personnalité a laissée dans les livres. Larrain, le réalisateur, s’empare d’une figure pour l’installer au centre d’un objet cinématographique original, peut-être iconoclaste, le cinéma n’a d’intérêt que s’il se sert de ses outils magiques pour fictionner et donc suggérer un réel universel, n’est-ce pas le propre d’un artiste?
Thriller, western, film noir, la multiplication des genres mélange habilement la gouache sur la palette d’un réalisateur néo-fellinien pour ses réjouissantes outrances autant que pour la complexité de sa parabole. L’histoire officielle n’importe plus, place aux trucs et aux trucages, aux lumières subjectives sur les ombres, déjà le théâtre grec inventait des intrigues à ses dieux. C’est ainsi qu’on interroge l’unique pour en imaginer une dimension plus commune, moins lustrée. Neruda est un génie, il pourrait être aussi un être abominable, égoïste, maltraitant les femmes à commencer par la sienne, Delia, sa « fourmi« , comme il la nomme. Le poète communiste s’inviterait en vedette dans des fêtes décadentes quand ses vers seraient scandés respectueusement dans les bidonvilles. Pourquoi pas? Son égocentrisme serait alimenté par la chasse dont il serait l’objet, preuve de son indispensabilité? D’ailleurs ce flic au nom ridicule qui, étrangement, parle le langage du poète, mais à l’envers, n’existerait-il que dans son imaginaire? On est en plein dans la comédie du pouvoir, des pouvoirs et de leurs autismes.
Pour cette divagation artistique, Pablo Larrain propose un exercice cinématographique brillantissime. A l’inverse de son précédent long-métrage, El Club, aussi rude que le sujet qu’il traitait, c’est tout couleurs, une féerie visuelle (sans doute coûteuse) habitée par des comédiens ici tous exceptionnels: Luis Gnecco, exceptionnel dans l’incarnation d’un Neruda chauve et bedonnant, Gael Garcia Bernal, excellemment nuancé dans sa traque de flic empressé, Mercedes Morán, merveilleuse en amoureuse discrète et complice.
« Neruda« : du cinéma et du sens.
Thriller, western, film noir, la multiplication des genres mélange habilement la gouache sur la palette d’un réalisateur néo-fellinien pour ses réjouissantes outrances autant que pour la complexité de sa parabole. L’histoire officielle n’importe plus, place aux trucs et aux trucages, aux lumières subjectives sur les ombres, déjà le théâtre grec inventait des intrigues à ses dieux. C’est ainsi qu’on interroge l’unique pour en imaginer une dimension plus commune, moins lustrée. Neruda est un génie, il pourrait être aussi un être abominable, égoïste, maltraitant les femmes à commencer par la sienne, Delia, sa « fourmi« , comme il la nomme. Le poète communiste s’inviterait en vedette dans des fêtes décadentes quand ses vers seraient scandés respectueusement dans les bidonvilles. Pourquoi pas? Son égocentrisme serait alimenté par la chasse dont il serait l’objet, preuve de son indispensabilité? D’ailleurs ce flic au nom ridicule qui, étrangement, parle le langage du poète, mais à l’envers, n’existerait-il que dans son imaginaire? On est en plein dans la comédie du pouvoir, des pouvoirs et de leurs autismes.
Pour cette divagation artistique, Pablo Larrain propose un exercice cinématographique brillantissime. A l’inverse de son précédent long-métrage, El Club, aussi rude que le sujet qu’il traitait, c’est tout couleurs, une féerie visuelle (sans doute coûteuse) habitée par des comédiens ici tous exceptionnels: Luis Gnecco, exceptionnel dans l’incarnation d’un Neruda chauve et bedonnant, Gael Garcia Bernal, excellemment nuancé dans sa traque de flic empressé, Mercedes Morán, merveilleuse en amoureuse discrète et complice.
« Neruda« : du cinéma et du sens.
> extrait:
Neruda – Pablo LARRAIN (Chili) – 1h48
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