S’il y a une journée pas comme les autres dans la vie d’un lycéen, c’est bien celle des résultats du bac. Il en a été ainsi pour nous, élèves de classe de Terminale Littéraire du lycée de Berck sur mer. Pour nous comme pour beaucoup d’autres bacheliers, le baccalauréat conserve envers et contre tout les allures d’un rite de passage vers la vie d’adulte.
Déjà une longue semaine d’attente depuis la dernière épreuve. Le temps pour les profs de corriger les copies. Cela n’a pas évident pour tout le monde de tromper l’angoisse.
Fanny « la stressée de la vie », a vomi toute la nuit précédent l’annonce des résultats. Il faut dire qu’elle n’y croit pas vraiment. Hors sujet en philo, impasse en Histoire… Elle a peur de payer tout cela très cher. C’est d’autant plus rageant qu’elle est acceptée en BTS tourisme sur Lille (« toute ma vie j’ai rêvé d’être une hôtesse de l’air… ») et qu’elle n’a qu’une envie c’est de quitter Berck.
Les résultats doivent être affichés au lycée Lavezzari le matin du mardi 5 juillet. Le jour fatidique, ce n’est pas évident non plus de franchir la grille d’entrée du lycée. Coralie attend Nolween. Elles ont prêté serment de ne pas y aller l’une sans l’autre. Et Coralie a formellement interdit à sa maman, envoyée en éclaireur, de lui révéler quoi que ce soit.
Il faut avouer qu’il règne une atmosphère chargée d’électricité dans le hall du lycée. Soudain un murmure agite la foule compacte. Les résultats du baccalauréat sont sur le point d’être accrochés sur de grands panneaux de liège par les assistants d’éducation.
Suspense… On joue des coudes, un peu hésitants, pour s’approcher de la liste, dans l’espoir d’y voir inscrit son nom.
Une voix de stentor rugit. C’est celle de Sébastien le viking, recalé l’année dernière au bac S, qui a rejoint la « TL » au mois de décembre, et qui est pris en classe « prépa littéraire » à Boulogne. Il éxécute une sorte de sarabande joyeuse et bondissante, entre la danse d’un faune et le haka néo-zélandais.
Eugénie, qui a bossé dur pendant les vacances au moment des cerfs-volants pour se payer le permis, a le regard pétillant. Elle a obtenu son sésame pour la fac de cinéma.
Orlane -et son éternel manque de confiance en elle- arbore un sourire radieux. La deuxième fois a été la bonne.
Fanny a repris des couleurs. Elle partira à Lille.
Maxime lui reste médusé en découvrant son nom le panneau. Tout en se caressant la barbe, un léger sourire ironique aux lèvres, il déclare:
Alors là, je rigole!
Maxime, juillet 2016.
Anne, qui a décroché une mention très bien, pense à faire un canular et a le triomphe modeste:
Je me faisais surtout du souci pour les autres…
J’hésite, je crois vais dire à mes parents que je vais à l’oral de rattrapage.Anne, un rien mutine. Juillet 2016.
Coralie et Nolwenn sont également brillamment reçues. Et la maman de Coralie peut enfin prendre sa fille dans ses bras pour la féliciter.
Les journalistes de la presse locale sont là pour saisir ces moments de grâce. C’est le cas de Gwendoline, ancienne et talentueuse élève de « L » à Lavezzari, passée par la fac de cinéma, en école de journalisme à Grenoble (« J’aimerai travailler dans la presse cinéma » avoue-t-elle) et stagiaire à La Voix du nord (au fait qui croit encore que la « L » ne mène à rien?) Elle doit rédiger un papier et prendre quelques clichés.
De nombreux anciens élèves sont en effet présents: Quentin, Charlotte, Alex… Pour eux, le lycée c’est de l’histoire ancienne. Ils sont en fac de droit ou de langues, ont passé une année de classe prépa ou s’apprêtent à intégrer une prestigieuse école d’art appliqué à Roubaix… Ils sont venus féliciter … ou réconforter leurs amis.
La « L » c’est comme une grande famille!
Gwendoline, juillet 2106.
Car il y a ceux qui ne sont pas admis. Ils sont deux dans la classe. Ne pas obtenir le bac, c’est parfois la fin du monde, un uppercut dans l’estomac, une envie d’envoyer tout balader et d’imaginer un autre chemin de vie qui ne passe pas par le lycée mais dans une ferme bio au bout du monde.
Et il y a celles et ceux qui doivent passer l’oral de rattrapage.
Samantha pleure toutes les larmes de son corps. Elle est très inquiète:
Je dois travailler cet après-midi, je ne sais pas comment faire…
Samantha, juillet 2016.
Et Jordan, lui, est totalement sonné, malgré les encouragements de son pote Sébastien qui lui dit de ne pas s’en faire, que ça va aller!
Mais il faut attendre de connaître ses notes, pour savoir combien de points sont à rattraper. Elles ne vont être communiquées que l’après-midi.
Il faut donc aller manger. Ce sera menu kebab pour les heureux lauréats. Certains se redécouvrent un appétit de loup.
A partir de 14 heures, il y a à nouveau beaucoup de monde dans le hall du lycée. L’attente est un peu longue mais l’atmosphère est moins crispée.
C’est le moment des selfies avec les amis ou les profs. 3 années passées ensemble, ce n’est pas rien. Il y a parfois aussi des petits pincements au cœur.
Les relevés de notes sont enfin disponibles. Mais il faut faire la queue, un peu fébrile, pour les avoir en mains propres.
Il y a quelques déconvenues et de bonnes surprises :
Maeva, sur un petit nuage, esquisse quelques pas de danse.
Anne, passionnée par la philosophie, mine de rien exigeante avec elle-même, est un peu dégoûtée:
Je n’ai eu que 16 en philo…
Anne, juillet 2016
Fanny, à demi amusée:`
Je croyais m’être plantée en philo et avoir réussi en littérature… et c’est le contraire!
Fanny, juillet 2016.
Les élèves qui ont suivi l’enseignement de spécialité « Droit et Enjeux du monde Contemporain » ont fait un carton plein à la grande satisfaction de leur enseignante.
Nolween, qui avait prononcé une remarquable plaidoirie lors du concours d’éloquence et qui s’apprête à entamer des études de Droit pour devenir avocate ou commissaire de police a « claqué » un 19.
Jordan, lui, est défaitiste. Il a trop de points à rattraper:
– De toute façon, je ne le mérite pas… Je souhaite rester au lycée une année de plus.
– Mais non, tu es tout à fait capable de l’avoir, ce serait tellement dommage, tu es pris en « staps » (fac de sport) … Hors de question de te revoir l’année prochaine… La vie te tend les bras, il faut partir d’ici!Jordan, jullet 2016.
C’est en tout cas ce qui lui glissé sentencieusement, dans un bar, autour d’un verre de bière.
Car nous sommes dans le Nord de la France. Et les histoires qu’elles soient belles ou tristes se terminent toujours autour d’un verre de bière blonde, brune ou ambrée.
L’année prochaine, ce sera une autre classe qui prendra la plume pour ce récit feuilletonnesque. Alors, on se dit: « à la rentrée! »
Ps: au fait, Jordan a obtenu le bac à l’oral de rattrapage ! Cela mérite bien une deuxième bière!
« Heilsa! » (santé en islandais)
Le lycée Jan Lavezzari de Berck-sur-mer.
Intégrale du journal de classe.
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