Lecture : « D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds » de Jón Kalman Stefánsson
Jón Kalman Stefánsson, poète et romancier islandais, évoque dans cette « chronique familiale » un siècle de l’histoire de son pays. Trois générations y déclinent, l’amour et le singularité d’un pays, leurs secrets et leurs béances, entre étendues de lave et geysers, entre présence américaine et faits divers. La densité du récit, la qualité de la langue en font un mémorable voyage en terre inconnue
En fait, depuis que je suis tout petit, je veux sauver le monde. Et, un peu naïvement, je pense que c’est toujours dans mes plans. Bien sûr, j’écris sur ma vie intérieure, sur ce qui me manque ou ce dont je rêve. Mais je crois que j’écris surtout pour comprendre notre existence, notre vie, pourquoi on est là. Je me demande : qu’est-ce que je peux faire pour m’améliorer ou pour améliorer la société dans laquelle je vis ? Ça a presque toujours été le plus important pour moi, c’est notre devoir envers nous et envers le monde. Et aussi, en faisant ça, j’essaie de trouver Dieu. Qu’est-ce que Dieu ? Qu’est-ce que la mort ? Y a-t-il une vie après la mort ? Des questions normales, quoi.
Jón Kalman Stefánsson. Libération, novembre 2015.
Jón Kalman Stefánsson. Libération, novembre 2015.
Traduction de Eric Boury.
« Elle est plus belle que tout ce qu’il a pu voir et rêver jusque-là, à cet instant, il ne se souvient de rien qui puisse soutenir la comparaison, sans doute devrait-il couper court à tout ça, faire preuve d’un peu de courage et de virilité, pourtant il ne fait rien, comme s’il se débattait avec un ennemi plus grand que lui, plus fort aussi, c’est insupportable, il serre à nouveau les poings, récitant inconsciemment son poème d’amour. Elle s’en rend compte et lui dit, si je dénoue mes cheveux, alors tu sauras que je suis nue sous ma robe, alors tu sauras que je t’aime.»
Ari regarde le diplôme d’honneur décerné à son grand-père, le célèbre capitaine et armateur Oddur, alors que son avion entame sa descente vers l’aéroport de Keflavík. Son père lui a fait parvenir un colis plein de souvenirs qui le poussent à quitter sa maison d’édition danoise pour rentrer en Islande. Mais s’il ne le sait pas encore, c’est vers sa mémoire qu’Ari se dirige, la mémoire de ses grands-parents et de leur vie de pêcheurs du Norðfjörður, de son enfance à Keflavík, dans cette ville «qui n’existe pas», et vers le souvenir de sa mère décédée.
Jón Kalman Stefánsson entremêle trois époques et trois générations qui condensent un siècle d’histoire islandaise. Lorsque Ari atterrit, il foule la terre de ses ancêtres mais aussi de ses propres enfants, une terre que Stefánsson peuple de personnages merveilleux, de figures marquées par le sel marin autant que par la lyre. Ari l’ancien poète bien sûr, mais aussi sa grand-mère Margrét, que certains déclareront démente au moment où d’autres céderont devant ses cheveux dénoués. Et c’est précisément à ce croisement de la folie et de l’érotisme que la plume de Jón Kalman Stefánsson nous saisit, avec simplicité, de toute sa beauté ». ©Gallimard
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