Il y a des dizaines d’actions humanitaires à Madagascar, l’un des pays les plus pauvres du monde. Celle de Stefano a ceci d’intéressant que l’action sur le village est globale et à long terme, mais avec un but clair: que cela s’arrête un jour parce que l’autonomie est acquise. L’Italien n’est pas un rêveur, juste un homme pragmatique au caractère affirmé et aux avis tranchés.
Il n’y va pas par quatre chemins: il est là pour aider un village à prendre en main son avenir, il le fait. C’est du boulot, de l’argent, de l’envie. Ça tombe bien, Stefano a une bonne partie de tout cela. Et quand l’argent manque, il le cherche. La plupart du temps il le trouve. Après quatre années passées en Haïti où il a pu observer le travail des humanitaires sur le terrain, sans y participer, il s’est fait un avis sur le sujet: aider c’est bien sympathique mais encore faut-il le faire intelligemment et de manière constructive. Son avis, il le partage et plutôt que faire de grands discours, il agit. D’où son « We work, it works« , « Nous travaillons, ça marche« . Arrivé à Madagascar il y a plus de vingt ans, il s’est installé à Nosy Komba. A observé un premier village, assez important et décidé de s’installer un peu plus loin dans un autre, plus modeste.
Et il a débuté son grand œuvre: faire de ce village un exemple de réussite humaine et économique. Un exemple qui essaimera parce que la vie y sera douce. Plus douce parce l’eau et l’électricité arriveront dans chaque maison, que les sanitaires seront sains, qu’il y aura de quoi manger pour chacun. Plus douce à la saison des pluies car les murets et les allées bétonnées permettent de circuler en sécurité. Et s’il n’y avait que cela. Pour Stefano, outre ces fondamentaux il en est deux autres: l’éducation et la santé. Il y a donc une école, qui va jusqu’à la troisième, et bientôt une salle d’accouchement avec quelques lits. Ce qui n’empêche pas le rebouteux dans sa case au milieu du village de continuer à réparer les membres cassés, ce qu’il semble parfaitement réussir. Les médicaments sont à base de plantes et méticuleusement préparés par les femmes, mères ou sœurs des patients. L’obstétricienne qui œuvrera dans la clinique a fait sa scolarité au village, puis suivi ses études dans la grande île, sponsorisée par ce qui est aujourd’hui l’ONG de Stefano. C’est son but, former les plus jeunes, donner le coup de pouce nécessaire, créer la stimulation et amener ceux qui en ont la capacité vers des études supérieures. Ils rendront ensuite service au village, qui ainsi pourra se développer. Pour l’électricité, il a installé des turbines et les bassins de rétention d’eau, au dessus du village, font le reste. On utilise ce qu’on a. Les panneaux solaires ont leur intérêt, mais coûtent cher. L’eau est amenée dans chaque maison par un réseau de canalisations souterraines, cette eau qui sert aussi à l’irrigation des terres. Le travail accompli avec les villageois est indéniable mais Stefano cherche sans cesse des spécialistes dans tous les domaines qui ont envie de partager leurs connaissances. Pas des « paumés« , des idéalistes ou des rêveurs, pas des salariés de l’humanitaire. Pour venir travailler avec Stefano, il faut un projet structuré, avec un début et une fin, le convaincre, voir comment il peut être financé et ensuite on agit.
L’idée est intéressante et tranche quelque peu avec ce qui se fait ailleurs. L’humanitaire en 4X4 bien propret, détenteur de la science, de la connaissance, du savoir, de ce qui est bon ou pas pour les populations assistées m’a toujours insupporté. Probablement pour en avoir trop vu et surtout pour avoir constaté le résultat après leur passage. L’aspect politique au sens large du terme est indéniable, que l’action soit ponctuelle ou sur le long terme. Il y a toujours une notion de pouvoir, de domination. Je généralise à dessein, car tous autant que nous sommes, avons besoin de croire en cette aide généreuse sans arrière pensée. Cette volonté d’aider l’autre de ceux que l’empathie porte à agir tout le temps, partout. Mais à quoi sert de débarrasser des enfants de leurs parasites intestinaux lors de missions à court terme quand ces mêmes enfants seront réinfectés dans un mois, deux mois et vivront ainsi jusqu’à la prochaine mission humanitaire de passage? Assainir l’environnement semble plus utile. Et les médecins, comme les autres aiment faire le bien à l’autre bout du monde.
C’est certainement aussi pour cela que j’apprécie ceux qui rappellent que la misère est de l’autre côté de la rue dans nos pays occidentaux et développés.
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