L’Équateur invité à Biarritz pour un focus sur son cinéma. 10 films réalisés ces dernières années dans un contexte qui n’est plus artisanal mais pas encore industriel. Secoué de façon endémique par des crises politiques, sociales et économiques, le pays connaît une certaine stabilisation qui profite aussi à la production cinématographique.
Quel est l’état du cinéma équatorien, quels en sont les moyens, les thématiques? Rencontre avec Juan Martin Cueva, l’enthousiaste président du Conseil National du Cinéma.
Entretien réalisé par Leslie Diaz.
L’analyse de Nicolas Azalbert, journaliste aux Cahiers du Cinéma, membre du comité de sélection du Festival de Biarritz.
Si l’on ne connaît pas le cinéma équatorien, c’est tout simplement parce qu’il a été inexistant pendant longtemps. Le premier film sonore ne remonte qu’à 1950 et il ne se produisait, encore dans les années 80-90, qu’un film tous les cinq ans. Ce n’est qu’en 2006 qu’une loi de cinéma a été votée et a permis d’insuffler une certaine régularité à la production. Ainsi, on comptait 20 films produits pour la seule année 2014. Il n’existe cependant pas encore à proprement parler de producteurs ni de distributeurs, chaque réalisateur devant inventer un système de production et de distribution propre à chaque film. Au contraire de l’Argentine, du Chili ou de la Colombie, l’Equateur ne peut se rassembler autour d’un grand drame national fédérateur (dictature militaire, conflit paramilitaire, trafic de drogue) et le pays témoigne au contraire d’une grande disparité linguistique (16 langues y sont reconnues et parlées). Cette diversité, depuis cette année, est appelée à être représentée par l’existence d’un fond d’aides spécialement destiné aux films des communautés indigènes. En dehors de la production « courante », s’est développée toute une production marginale (appelée « Cine bajo tierra ») qui génère une économie parallèle puisque ces films rencontrent un très grand succès en DVD -phénomène dont rend compte avec humour le documentaire Más allá del Mall (Miguel Alvear, 2010). Face à une telle diversité (il faudrait d’ailleurs parler des cinémas d’Equateur), il est bien difficile de dégager une unité stylistique ou thématique. S’il y a un thème que l’on reconnait, de film en film, ce serait justement cette diversité des composantes du pays et la difficulté de se reconnaître pour chacune comme faisant partie d’un grand corps unifié et national (voire, pour le pays, de son intégration à l’échelle du continent latino-américain telle que la décrit le documentaire La muerte de Jaime Roldós de Lisandra Rivera et Manolo Sarmiento, 2013). A tous les niveaux de la société règne un sentiment d’exclusion : solitude de la vieillesse dans Silencio en la tierra de los sueños de Tito Molina (2013), mise au ban de l’homosexualité dans Feriado de Diego Araujo (2014), isolement au sein d’un groupe d’amies dans Esas no son penas, fracture historique d’une famille dans Abuelos de Carla Valencia (2010), regard distancié de l’exilé dans El lugar donde se juntan los polos de Juan Martín Cueva (2002) ou encore dans El secreto de la luz de Rafael Barriga (2014). Quand ce n’est pas jusqu’à la vie elle-même qui est appréhendée depuis la mort, comme dans Cuando me toque a mí. Tous ces films sont présentés au festival de Biarritz Amérique Latine ; ils sont comme les pièces d’un puzzle qu’il faut imbriquer les unes aux autres pour faire apparaître l’image de l’Équateur et une idée de son cinéma.
© Festival de Biarritz
Si l’on ne connaît pas le cinéma équatorien, c’est tout simplement parce qu’il a été inexistant pendant longtemps. Le premier film sonore ne remonte qu’à 1950 et il ne se produisait, encore dans les années 80-90, qu’un film tous les cinq ans. Ce n’est qu’en 2006 qu’une loi de cinéma a été votée et a permis d’insuffler une certaine régularité à la production. Ainsi, on comptait 20 films produits pour la seule année 2014. Il n’existe cependant pas encore à proprement parler de producteurs ni de distributeurs, chaque réalisateur devant inventer un système de production et de distribution propre à chaque film. Au contraire de l’Argentine, du Chili ou de la Colombie, l’Equateur ne peut se rassembler autour d’un grand drame national fédérateur (dictature militaire, conflit paramilitaire, trafic de drogue) et le pays témoigne au contraire d’une grande disparité linguistique (16 langues y sont reconnues et parlées). Cette diversité, depuis cette année, est appelée à être représentée par l’existence d’un fond d’aides spécialement destiné aux films des communautés indigènes. En dehors de la production « courante », s’est développée toute une production marginale (appelée « Cine bajo tierra ») qui génère une économie parallèle puisque ces films rencontrent un très grand succès en DVD -phénomène dont rend compte avec humour le documentaire Más allá del Mall (Miguel Alvear, 2010). Face à une telle diversité (il faudrait d’ailleurs parler des cinémas d’Equateur), il est bien difficile de dégager une unité stylistique ou thématique. S’il y a un thème que l’on reconnait, de film en film, ce serait justement cette diversité des composantes du pays et la difficulté de se reconnaître pour chacune comme faisant partie d’un grand corps unifié et national (voire, pour le pays, de son intégration à l’échelle du continent latino-américain telle que la décrit le documentaire La muerte de Jaime Roldós de Lisandra Rivera et Manolo Sarmiento, 2013). A tous les niveaux de la société règne un sentiment d’exclusion : solitude de la vieillesse dans Silencio en la tierra de los sueños de Tito Molina (2013), mise au ban de l’homosexualité dans Feriado de Diego Araujo (2014), isolement au sein d’un groupe d’amies dans Esas no son penas, fracture historique d’une famille dans Abuelos de Carla Valencia (2010), regard distancié de l’exilé dans El lugar donde se juntan los polos de Juan Martín Cueva (2002) ou encore dans El secreto de la luz de Rafael Barriga (2014). Quand ce n’est pas jusqu’à la vie elle-même qui est appréhendée depuis la mort, comme dans Cuando me toque a mí. Tous ces films sont présentés au festival de Biarritz Amérique Latine ; ils sont comme les pièces d’un puzzle qu’il faut imbriquer les unes aux autres pour faire apparaître l’image de l’Équateur et une idée de son cinéma.
© Festival de Biarritz
Deux aperçus du cinéma equatorien:
Esas non son penas – Anahi Hoeneisen, Daniel Andrade (2007)
Feriado – Diego Araujo (2014)
L’interview du réalisateur (par Leslie Diaz)
La programmation Biarritz / Focus Cinéma équatorien.
Le palmarès du Festival de Biarritz ici.
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