Marco & Paula : Carnets d’ailleurs #35 : Paula, Obama et le foot des bidonvilles
Retour de Virginie, Paula lit Obama, et se trouve des similarités avec celui qui n’était pas encore un Président ; puis ses rêveries sur le Kenya entraînent Paula dans le bidonville de Kibera, où elle n’a jamais mis les pieds, ce qui ne l’empêche d’avoir une carte de supporter des « Black Stars », le club de foot local qui monte.
Le Kenya fut mon premier pays de résidence en Afrique, mais c’est certainement celui que je connais le moins. En mission dans les camps de réfugiés de Dadaab, je n’ai fait que de brefs séjours à Nairobi, à l’occasion des congés octroyés par mon ONG pour préserver la santé mentale de ses expatriés.[voir chroniques Nº11 et 12]. Néanmoins, ces excursions furent suffisantes pour humer les ambiances des jours et des nuits de la capitale et constater la dureté des contrastes entre les bougainvilliers somptueux des beaux quartiers et la poussière des rues populeuses, entre l’apparente bonhomie dans les « maquis » (bars) et le discours haineux capté dans une église des adventistes-du septième-jour-du-cœur-sacré-des-témoins-etc, etc…
De fait, je ne connais pas le plus grand bidonville de Nairobi, celui de Kibera. Mon ONG y menait alors un projet médical à propos duquel je n’avais pas cherché à en savoir plus, encore moins demandé à y accompagner une équipe : absence de curiosité ou trop plein du désarroi suintant des camps? Je ne sais pas vraiment… Le projet était auto-financé -pas de fonds public car, sérieusement, qui se soucie d’un bidonville, tant que ses habitants restent tranquilles ?
Cette ignorance ne m’a pas empêchée d’adhérer récemment au Kibera Black Stars (Club de foot de Kibera). Je n’éprouve aucun intérêt pour le football : je conçois que diriger un ballon avec ses pieds puissent être jubilatoire mais regarder les autres le faire me demeure dénué de sens – sauf à la fin du match lorsque les joueurs pouvaient encore échanger leurs maillots. Je ne connais ni le bidonville, ni le sport mais je suis fière d’être membre d’honneur du KBS (cf l’Equipe magazine d’avril 2015), tout comme au Nigeria, j’étais fière de ma carte des Buffalo.
Ces adhésions sont le fruit de mon soutien sans faille à un ami dont j’étais, à Abuja, la co-locataire, ami qui fut à l’origine de la création de ces deux clubs. Professionnelle des projets humanitaires qui peste souvent contre ceux menés sans réflexion sur leurs effets, encore moins sur leurs impacts, ou ceux établis sur un coup de cœur sans perspective ne serait-ce qu’à moyen terme, je m’incline avec respect devant son travail d’amateur.
Pour faire bref, cet ami, instituteur de profession, passionné de foot, porte son dévolu sur un quartier pourri, repère quelques gamins aimant jouer mais aussi des adultes volontaires, crée un club de foot et l’emmène tranquillement au niveau national. Pas en un jour – au Nigeria, cela lui a pris une dizaine d’années – et non sans questionnements, drames, colères et écœurements. La pratique du sport, de la compétition est une part essentielle de son projet mais s’y greffe une dimension sociale et psychosociale remarquable et appréciable : le bel Augustin, un joueur des Buffalo qui passait souvent à la maison, fut un enfant malingre, comme en témoignaient les photos qu’il m’a montrées.
Par solidarité et non seulement pour les beaux pectoraux, j’ai vu une demi-douzaine de match en trois ans : c’était le plus souvent gai, sauf quand les supporters de l’équipe adverse étaient par trop déçus de son score. Un jour à Kano, ville d’origine des Buffalo, au nord d’un pays peu réputé pour son amour des femmes – dans un bel œcuménisme religieux d’ailleurs – le stade était plein d’hommes, il n’y avait que deux femmes, en fait, une copine et moi. Arrivent les arbitres dont une femme. Elle est là dans son short vert. J’aurai aimé la rencontrer, apprendre ses choix, ses victoires et ses renoncements mais ce jours-là l’équipe locale perdait, et il fallut s’esquiver presto.
Tout récemment, mon ami m’a donné des nouvelles de son club de Nairobi :
« Nos joueurs kényans suivent les bonnes traces de leurs frères nigérians: Après être fraîchement passés au niveau national à la fin de la saison dernière, ils sont en tête du championnat à la fin des matchs allers et donc en bonne voie pour la Ligue 2, en emportant dans leur sillage les équipes de jeunes (filles et garçons) et en arborant fièrement les couleurs de Kibera partout avec eux, sur le terrain, dans le bidonville et dans toutes leurs nombreuses actions de solidarité (dernière en date: visite d’un hôpital pour apporter un peu de réconfort à des jeunes patients atteints de cancers). Comme tu vois, Ils n’ont pas que des jambes, bravo à eux ! »
Tout Nomad’s land.
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