« Si l’habitude est une seconde nature, elle nous empêche de connaître la première dont elle n’a ni les cruautés, ni les enchantements » (Marcel Proust – « Sodome et Gomorrhe »)
Premier constat, ça faisait des mois que je n’avais pas passé une semaine entière sans ouvrir un bouquin. Même cet été, en Corse, j’avais lu Proust au moins deux ou trois heures par jour.
Mais là, étant donné que je porte mon gros sac de voyage presque toute la journée, je n’ai pris que deux livres: Soumission de Houellebecq pour l’avion, parce que même en partant de l’autre côté de l’océan j’ai quand même envie de lire le roman dont tout le monde va parler, et Tristes tropiques de Lévi-Strauss pour être dans l’ambiance. Donc j’ai lu Soumission dans l’avion, qui m’a bien aidée à passer les quatorze heures de vol en me sentant m’éloigner progressivement et délicieusement de ce monde d’universitaires que décrit Houellebecq et qui me rappelle un peu trop mon quotidien (du moins au début du roman). Par contre une fois arrivée à La Paz, je n’ai plus lu une ligne.
Deuxième constat, je suis loin d’être aussi en forme que je le pensais à Paris quand je sortais d’une heure de natation ou d’une demi-heure de jogging. A peine arrivée à La Paz, j’ai commencé à avoir très chaud malgré la pluie (parce que c’est la saison des pluies): comme la ville s’étend de 3600 à 4000 mètres d’altitude, les touristes ont souvent le mal des montagnes pendant deux ou trois jours et évidemment je n’y ai pas échappé. Ça allait un peu mieux le lendemain, mais j’ai quand même gardé un gros mal de tête pendant trois jours, assorti d’un torticolis qui s’est mis à rayonner dans toute mon épaule droite, et de grosses courbatures dans les jambes. À 28 ans, on dirait que mon régime de thésarde m’a fait perdre l’habitude des hôtels à 5 euros la nuit, des douches froides et des ascensions vertigineuses en plein cagnard. D’autant plus que La Paz, ça monte. Le deuxième jour, on part au terminal de bus, sous un soleil de plomb et dans une pollution étouffante, et je vois se creuser insensiblement l’ėcart entre les amis qui remontent la calle devant moi et la touriste malhabile que je me sens incarner avec mes deux sacs à dos trop lourds, mes chaussures en Goretex toutes neuves et mon bonnet bolivien.
Une thésarde à La Paz, c’est comme un lama à Versailles, le maillon faible. Quoiqu’une de mes amies qui est aussi en thèse galope loin devant moi. Donc c’est peut-être moi, tout simplement, le maillon faible.
Heureusement, le dieu Ekeko a entendu mes prières : mes amis ont vite été affligés d’une bonne tourista, et on a retrouvé un rythme plus humain et des douches chaudes une fois arrivés à Copacabana. Exactement ce qu’il faut à une thésarde, avec un ou deux Pisco, pour retrouver du poil de la bête après une bonne journée de randonnée. Eh oui, je suis une petite nature et j’assume. Chacun son paradis.
À suivre.
Tous les vendredis, Le journal d’une thésarde, voir l’intégrale.
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