Pierre Le-Tan : « une collection, ça peut être complètement abstrait ! »
Il y a Eric Marc-Albouin, qui n’avait besoin de rien d’autre que de ses œuvres, de Malaval ou de Spoerri. Et Pedro Duytveld qui, sa vie durant, a méthodiquementaccumulé et exposé des centaines de papiers froissés… Et encore Jimmy Stockwell qui sut reconstituer dans sa caverne du vieux Tanger des trésors de faïence anglaise de Staffordshire… Ce sont certains parmi les « Quelques collectionneurs » dont l’artiste Pierre Le-Tan brosse un portrait charmé, invité par son ami, le galeriste et marchand Nicolas Schwed. Dessins et textes deviennent un livre, publié chez Flammarion ; entre ironie bienveillante et poésie nostalgique, Pierre Le-Tan n’épargne personne dans cette caste des toqués de la collection, lui–même au premier chef.
Le collectionneur que vous êtes est-il proche de l’artiste ?
Un lien très fort unit mes deux identités, de collectionneur et d’artiste. Choisir ce qu’on dessine ou ce qu’on achète, tout cela est lié. Par ailleurs, je dessine aussi ce que j’ai, et dans ma collection la façon dont je dispose les choses rappelle un dessin.
Quel collectionneur êtes-vous ?
Je suis un collectionneur compulsif, éclectique et qui ne s’intéresse pas vraiment à la possession des choses.
D’ailleurs vous le dites dans le livre, « rien ne nous appartient ».
C’est l’évidence même, on va tous se retrouver dans une urne ou mangés par les vers ! Ce qui m’intéresse c’est d’avoir quelque chose à un moment, mais pas pour toujours…
Etre collectionneur tient davantage à la curiosité…
Oui, c’est la curiosité, pas la possession. Et le plaisir du jeu de l’acquisition.
Vous êtes parfois très critique vis à vis de certaines collections ou certains collectionneurs…
Je suis très critique vis-à-vis des collections qui n’en sont pas, faites pour des raisons sociales ou financières. Pour le reste, je les respecte toutes, même si elles ne sont pas à mon goût, à condition qu’elles soient constituées pour leur valeur esthétique.
Une collection peut disparaître, c’est aussi l’une de ses caractéristiques. Comme la collection des tableaux de cette Princesse de Brioni dont il ne reste plus que les traces blanches sur le mur et dont vous parlez avec émotion…
Oui, il y a de grandes collections qui restent, dans les musées, mais bien d’autres qui disparaissent, dispersées… Comme celle de la Princesse de Brioni ou même la mienne, celle que j’ai vendue chez Sotheby’s ; il m’en reste un catalogue avec les annotations nécessaires. Cela me suffit. Je regrette en revanche de ne pas avoir pris des photos ou fait des dessins de tout ce qui, un jour, m’est passé entre les mains. Pour le reste, une collection – qui est éphémère – est avant tout une chose abstraite, pas du tout matérielle.
Pierre Le-Tan commente l’une de ses images:Peter Hinwood fit une brève carrière d’acteur dans la troupe de la comédie musicale anglaise, The Rocky Horror Picture Show. Son appartement trois pièces, à Londres, a abrité une collection que Pierre Le-Tan qualifie d’œuvre d’art.
« Quelques collectionneurs » – Pierre Le-Tan. Flammarion 118 pages
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