D’une contrainte, il a adopté un style qui, en s’éloignant des conventions de la photographie, devient une évidence de vérité sensible.
Né en France d’un couple mixte, Bruno Boudjejal accompagne son père – immigré en France en 1952 – visiter son pays d’origine: l’Algérie. Une amie lui a prêté un appareil photo, autant fixer les souvenirs.
On est en 1993, c’est la guerre civile, les militaires et les islamistes du FIS n’aiment pas trop les photographes. Boudjelal, qui n’a aucune expérience en la matière, se fait discret et capte le hors champ du conflit, sans le savoir, sans le vouloir: la famille de son père, la population, des lieux, des ambiances. Comme le ferait un touriste avisé. Revenu à Paris, il montre ses images qui feront de pleines pages dans de nombreux journaux pour illustrer le quotidien de cette période de violence. Dans une simplicité qui donne chair aux conséquences de l’affrontement.
(in)expérience
Bruno Boudjelal retournera plusieurs fois en Algérie jusqu’en 2003. De son inexpérience en photographie et de ce qu’il a appris de la contrainte d’une discrétion obligatoire, il invente une expérience. Le sujet est le principal, peu importe la précision du cadre, la mise au point et la « beauté » du cliché, il ne travaille désormais qu’avec des appareils en plastique low cost sans se servir du viseur. Pourtant ce qu’il rapportera de ses voyages sera publié à l’international, y compris dans des magazines qui privilégient la « belle image » comme Géo.
De ses voyages et retours en Algérie, il publie Jours intranquilles.
Il s’intéresse aux harragas (les brûleurs), les migrants clandestins qui fuient les pays maghrébins pour en faire une série d’images surexposées par accident, brûlées elles aussi, comme les paysages familiers que doivent oublier ceux qui pensent partir définitivement.
« Ne mourrons pas fatigués«
Autant de rencontres qui lui rappellent aussi sa condition de fils d’immigré, l’immigration va devenir un sujet privilégié.
Dans un travail entamé avec Florence Aubenas, dans le cadre d’une résidence pour le festival marseillais Oh les beaux jours!, il choisit de photographier les migrants dans le travail clandestin, ces illégaux qu’embauchent illégalement à la journée des entreprises qui ont pignon sur rue. C’est ainsi qu’il a rencontré Doumbia, camerounais, qui figure dans la série « Ne mourrons pas fatigués« .
→ Bruno Boudjelal, est né en1961, donc en pleine guerre d’Algérie. Il entre à l’agence SIPA en 1995 avant d’être recruté par VU en 2001. En 2015, il est lauréat du Prix Nadar pour « Algérie, clos comme on ferme un livre? » (ed. Le Bec en l’air)
• Bruno Boudjelal est signataire de la tribune Sauvez la photographie! parue en juin 2020 pour alerter sur les grandes difficulté de la profession après la période de confinement.
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