Nancy Huston, Jocelyne Saab, F. Ferranti; Bless & Naccara pour la musique. #248

0
906

Quand la cinéaste renouvelle la question de la femme moderne dans le monde arabe; Quand la romancière interroge la filiation et les détestations familiales; quand la chanteuse autodidacte revisite la condition féminine; quand le photographe met en images la mémoire des ruines; quand la harpe vibre bien au-delà de ses représentations… Réjouissant, métis, radical, c’est Des mots de minuit!

Des mots de minuit:

Émission N°248 du 11 octobre 2006

Réalisation: Jean-François Verzelle
Rédaction en chef : Rémy Roche
Journalistes: Lorenzo Ciavarini Azzi et Nathalie Mantovani
Production: Thérèse Lombard et Philippe Lefait
© Desmotsdeminuit/France2

Avec
La cinéaste libanaise Jocelyne Saab

La romancière Nancy Huston 

Le photographe Ferrante Ferranti 

La chanteuse Bless 



et le groupe  Naccara … 

CONVERSATION :

En réalité, on ne sait plus regarder le monde arabe. la sensualité y est très forte. Bien sûr, le désir féminin est brimé mais il existe et s’exprime de manière différente. Je l’ai simplement dans ce film dépoussiéré et j’ai surtout eu envie de me projeter dans le futur. L’histoire de Dunia qui a 23 ans est l’histoire d’une fille qui n’a envie que d’être elle-même alors qu’elle est confrontée à des problèmes dont elle ne connaît pas les raisons. Pour se trouver dans cette adversité, elle cherche son désir dans toutes les directions: la musique, la poésie, les mots d’amour sur lesquels elle prépare une thèse, la danse et dans ses expériences personnelles. Peut-être n’est-on pas habitué à ce portrait de jeune femme moderne du monde arabe… 

Jocelyne Saab. Des mots de minuit, 2006.

Jocelyne Saab. Des mots de minuit, 2006.
Jocelyne Saab signe « Dunia ». La prétendue guerre des civilisations et la condition de la femme dans le monde arabe sont des thèmes majeurs de ce film tourné en Égypte qui retrace à travers le voyage initiatique d’une jeune femme. Elle est étudiante, rêve de devenir danseuse et rencontre un professeur de littérature qui se bat contre l’obscurantisme religieux.

L’ojet qui la prolonge … Une tête de jeune éphèbe récupérée dans les ruines de sa maison qui a brûlé au début des années 80. Elle en souligne la qualité du regard. « Ce qui m’importe! » dit-elle. 

Nous sommes toujours dans une fuite en avant, demain, demain demain! Mais on sait bien que si l’on veut comprendre ce qui arrive, il faut en rechercher la cause. J’ai toujours pensé qu’il serait très drôle d’imaginer quelqu’un sur un divan de psychanalyste s’entendre dire que c’est la faute de votre mère mais que si celle-ci était à la même place, elle pourrait s’entendre dire c’est la faute de votre père et ainsi de suite… On pourrait remonter jusqu’à Ève pour comprendre à qui revient la faute! C’est fascinant de découvrir quelqu’un que vous avez détesté comme parent et de le comprendre complètement quand vous l’imaginez à 6 ans parce qu’on ne peut pas détester un gamin.

Nancy Huston. Des mots de minuit, 2006.

Nancy Huston. Des mots de minuit, 2006.
Nancy Huston, femme de lettres, essayiste à la double culture canadienne et française, anglophone et francophone. Son livre « Lignes de faille » (notamment Prix fémina 2006 et Prix France télévisions) est un remarquable roman choral (les quatre membres d’une même famille) qui interroge l’enfance, la filiation, le sentiment maternel, l’héritage historique.  
« Entre un jeune Californien du XXIe siècle et une fillette allemande des années 1940, rien de commun si ce n’est le sang. Pourtant, de l’arrière-grand-mère au petit garçon, chaque génération subit les séismes politiques ou intimes déclenchés par la génération précédente.
Porté par la parole d’enfants victimes d’événements qui les dépassent et de choix qui leur échappent – qui les marqueront pourtant toute leur vie –, ce roman se construit à rebours, de fils en père et de fille en mère, comme on suit en remontant le fil de sa mémoire. Quel que soit le dieu vers lequel on se tourne, quelle que soit l’époque où l’on vit, l’homme a toujours le dernier mot, et avec lui la barbarie. C’est contre elle pourtant que s’élève ce roman éblouissant où, avec amour, avec rage, Nancy Huston célèbre la mémoire, la fidélité, la résistance et la musique comme alternatives au mensonge. » © Actes Sud

 

Quand j’étais petite, je me disais: « J’ai pas de pot, c’est plus facile d’être un garçon! » Finalement on peut pas faire autrement. Il faut accepter. On reproche à une femme de ne pas être féminine. Elle doit prendre sa place par la féminité; mais, ce faisant, elle grignote sa crédibilité par ailleurs. Si elle est trop féminine on oublie qu’elle a fait d’autres choses. C’est donc pas si simple! Ma chanson « Femme lascive » est une caricature de ces femmes qui perpétuent ce positionnement de femelle et non d’être fabriquant, créant, existant …

Bless. Des mots de minuit, 2006.

La chanteuse Bless. Elle est autodidacte, a été comédienne et sculptrice. C’est par la chanson qu’elle questionne la condition de la femme dans son album. Elle en interprète sur le plateau « Femme lascive » et « Ce Plaisir (Ne M’est Pas Donné) »
L’objet … Bless, autodidacte en tout a eu une époque sculptures, abandonnée au profit de la musique. De celle-ci qu’elle a gardée, elle dit qu’elle lui correspond bien. Un air d’ennui, une position bancale mais tenue, un inconfort, « mais, en même temps… » dit-elle.

Nous sommes tous habités par les images. Celles que nous recevons; celles que nous provoquons parfois. Je n’avais jamais écrit. J’étais plus un homme d’images qu’un homme de mots. Nicolas Bouvier est mon maître d’images en mots. J’ai été très troublé quand j’ai du écrire cet album imaginaire -au sens propre du terme- de voir que les images qui s’imposaient à moi avaient toujours une profondeur insoupçonnée… Elles contiennent toujours quelque chose qui nous touche profondément et qui nous fait entrer dans le paradoxe de l’image qui est son silence. Une photographie ne parle pas. Ce qu’on entend d’elle peut alors être mis en mots.

Ferrante Ferranti. Des mots de minuit, 2006.

Ferrante Ferranti. Des mots de minuit, 2006.
Le photographe Ferrante Ferranti qui questionne la mémoire et l’image: les traces visibles de l’histoire dans les ruines. Il détaille sa passion du baroque. Il évoque notamment son dernier livre: « L’esprit des ruines ».

L’objet qui le prolonge … Un livre de prières écrit en guèze qui lui a été donné par un diacre en Éthiopie, à Lalibela

MUSIQUE :

– Le groupe Naccara est un sextuor de harpes avec contrebasse et percussions. Il interprète « Climax » 

Bless … 

► Accès à la vidéothèque… 

 DMDM, L’Émission… 

 nous écrire, s’abonner à la newsletter: desmotsdeminuit@francetv.f

 La page facebook desmotsdeminuit.fr Abonnez-vous pour être alerté de toutes les nouvelles publications.

 @desmotsdeminuit