La guerre de deux familles et de deux villes. Amour, devoir, destin, « Horace » de Corneille, mis en scène par Renaud-Marie Leblanc, fait résonner ces problématiques dans un monde d’aujourd’hui. La création théâtrale est-elle désormais menacée? Jusqu’où le courage des uns supportera-t-il l’ignorance ou l’indifférence des autres?
Sur un grand écran, un regard fixe. Des battements de paupières. Au ralenti.
Sur la scène, dans une cuisine d’aujourd’hui, autour d’un frigo, contre ce frigo et sur lui, la guerre est un sujet banal et quotidien.
Les images vidéos éclairent certains paradoxes. D’un côté la brute réalité d’une panique étourdissante. De l’autre, ces instants à mille rebondissements tragiques qui semblent éternels.
Ces premiers alexandrins résonnent « Approuvez ma faiblesse et souffrez ma douleur« . Et tous les alexandrins de cet « Horace » résonneront avec une subtilité et une technique remarquables. Car tout l’art consiste à les entendre sans s’en rendre compte. C’est ici un pari réussi.
Albe ou Rome? Paris ou Mossoul? Kaboul? Bagdad? Alep? Daraya? Beyrouth? Une histoire parmi tant d’autres. Cette histoire pourrait aussi être celle d’un village libanais isolé, celui inventé par Nadine Labaki, la réalisatrice de « Et maintenant on va où?« . Cette histoire pourrait enfin être celle de Lysistrata (Aristophane). Car ici, les femmes tentent l’impossible pour échapper à une guerre de trop. Une guerre qui leur enlèverait leur amant, leur mari, leurs frères… Situations surréalistes, schizophrènes parfois.
Sur la scène, dans une cuisine d’aujourd’hui, autour d’un frigo, contre ce frigo et sur lui, la guerre est un sujet banal et quotidien.
Les images vidéos éclairent certains paradoxes. D’un côté la brute réalité d’une panique étourdissante. De l’autre, ces instants à mille rebondissements tragiques qui semblent éternels.
Ces premiers alexandrins résonnent « Approuvez ma faiblesse et souffrez ma douleur« . Et tous les alexandrins de cet « Horace » résonneront avec une subtilité et une technique remarquables. Car tout l’art consiste à les entendre sans s’en rendre compte. C’est ici un pari réussi.
Albe ou Rome? Paris ou Mossoul? Kaboul? Bagdad? Alep? Daraya? Beyrouth? Une histoire parmi tant d’autres. Cette histoire pourrait aussi être celle d’un village libanais isolé, celui inventé par Nadine Labaki, la réalisatrice de « Et maintenant on va où?« . Cette histoire pourrait enfin être celle de Lysistrata (Aristophane). Car ici, les femmes tentent l’impossible pour échapper à une guerre de trop. Une guerre qui leur enlèverait leur amant, leur mari, leurs frères… Situations surréalistes, schizophrènes parfois.
Un « jour propice et funeste à la fois » pour des amants-ennemis. Sombre oxymore…
Horace, tragédie de Corneille, inspirée du combat entre la famille romaine des Horace et la famille albaine des Curiace, est jouée pour la première fois en 1640. Le jeune romain Horace est marié à Sabine, jeune fille albaine dont le frère Curiace est fiancé à Camille, sœur d’Horace. La guerre fratricide qui éclate entre les deux villes rompt l’harmonie de ces deux grandes familles.
Ce drame pourrait aussi être celui de Roméo et Juliette. Car la guerre des Capulet et des Montaigu est-elle différente de celle des Horace et des Curiace lorsqu’il s’agit d’amour? Une histoire d’amour contemporaine en somme, où la seule particularité est celle d’un contexte de guerre. Une guerre de « vertu » ou une guerre de « routine« ? Une banalité aujourd’hui? Selon qui la regarde et qui la vit… En tous cas, une guerre où la liberté d’aimer a ses limites…
« Pourquoi suis-je romaine?« . Celui qui rêve aujourd’hui de démocratie, de liberté, de laïcité et de tolérance rêve d’être « citoyen du monde« …
Sur l’écran: une bouche grande ouverte. Un hurlement muet. Au ralenti. Comme une omerta, où « les affaires sont les affaires« . Certains s’en lavent les mains et se contentent d’ordonner: « Après le combat, ne pensez plus aux morts. »
Ainsi les femmes se révoltent contre la guerre « de trop« . Ainsi le metteur-en-scène dénonce une forme d’obscurantisme. Ainsi ce spectacle rend hommage à la liberté. Des plaidoyers nécessaires.
La sueur et le sang sont les ingrédients inévitables de la guerre. Et à l’amour aussi pourtant.
Ils peuvent aussi être ceux indispensables à la fabrication d’un spectacle d’une telle envergure. La création artistique théâtrale est un don d’une partie de soi-même, mais aussi un « objet » fragile, éphémère, qui a pourtant nécessité des années de travail, de contraintes, de renoncement, de compromis parfois, de colère et de déceptions… Car, avant de parvenir à « faire rêver ou réfléchir« , les étapes sont les mêmes que celles d’une « réelle entreprise« , un montage financier scrupuleux, impliquant la recherche assidue de partenaires, et ne laissant pas de place à l’erreur. De l’autre côté, les spectateurs. Nous, qui sommes tranquillement assis dans de confortables fauteuils de théâtre, on ne ressent pas les 2 heures et demie de spectacle parce qu’un metteur en scène, des acteurs, un scénographe, un éclairagiste, un vidéaste, un ingénieur du son et des techniciens ont ardemment œuvré à nous offrir ce cadeau.
Pendant que doucement « la culture » s’éloigne des priorités de certains politiques, les budgets consacrés à la culture sont souvent les premiers réduits… Ceux consacrés à la Défense et à la Sécurité, eux, augmentent… – certes, Horace fait la guerre…! Pourtant, depuis la nuit des temps, la culture et l’éducation ont fait avancer l’homme vers plus de démocratie, de tolérance et de liberté de penser.
Pendant que doucement certains directeurs de théâtre et programmateurs de spectacles se désengagent de leurs missions, n’ont plus le courage de choix audacieux, cultivant le « jeunisme« , limitant le « risque« . Pendant que doucement « la création » pourrait perdre sa place, que les dates de tournées des spectacles se réduisent. Car désormais très peu de « décideurs » financent ou programment « sans avoir vu« , en dehors des « têtes d’affiche« . C’est pourtant le principe de la création. Un cercle vicieux qui rappelle un peu celui du demandeur d’emploi à qui l’on dit qu’il est plus facile de trouver un travail lorsque l’on n’est pas au chômage… ou au jeune diplômé à qui l’on dit qu’il faut avoir une première expérience professionnelle pour espérer une deuxième…
Pendant que doucement meurt le spectacle vivant.
Un autre nécessaire plaidoyer: celui pour la création théâtrale, pour sa survie.
Horace, tragédie de Corneille, inspirée du combat entre la famille romaine des Horace et la famille albaine des Curiace, est jouée pour la première fois en 1640. Le jeune romain Horace est marié à Sabine, jeune fille albaine dont le frère Curiace est fiancé à Camille, sœur d’Horace. La guerre fratricide qui éclate entre les deux villes rompt l’harmonie de ces deux grandes familles.
Ce drame pourrait aussi être celui de Roméo et Juliette. Car la guerre des Capulet et des Montaigu est-elle différente de celle des Horace et des Curiace lorsqu’il s’agit d’amour? Une histoire d’amour contemporaine en somme, où la seule particularité est celle d’un contexte de guerre. Une guerre de « vertu » ou une guerre de « routine« ? Une banalité aujourd’hui? Selon qui la regarde et qui la vit… En tous cas, une guerre où la liberté d’aimer a ses limites…
« Pourquoi suis-je romaine?« . Celui qui rêve aujourd’hui de démocratie, de liberté, de laïcité et de tolérance rêve d’être « citoyen du monde« …
Sur l’écran: une bouche grande ouverte. Un hurlement muet. Au ralenti. Comme une omerta, où « les affaires sont les affaires« . Certains s’en lavent les mains et se contentent d’ordonner: « Après le combat, ne pensez plus aux morts. »
Ainsi les femmes se révoltent contre la guerre « de trop« . Ainsi le metteur-en-scène dénonce une forme d’obscurantisme. Ainsi ce spectacle rend hommage à la liberté. Des plaidoyers nécessaires.
La sueur et le sang sont les ingrédients inévitables de la guerre. Et à l’amour aussi pourtant.
Ils peuvent aussi être ceux indispensables à la fabrication d’un spectacle d’une telle envergure. La création artistique théâtrale est un don d’une partie de soi-même, mais aussi un « objet » fragile, éphémère, qui a pourtant nécessité des années de travail, de contraintes, de renoncement, de compromis parfois, de colère et de déceptions… Car, avant de parvenir à « faire rêver ou réfléchir« , les étapes sont les mêmes que celles d’une « réelle entreprise« , un montage financier scrupuleux, impliquant la recherche assidue de partenaires, et ne laissant pas de place à l’erreur. De l’autre côté, les spectateurs. Nous, qui sommes tranquillement assis dans de confortables fauteuils de théâtre, on ne ressent pas les 2 heures et demie de spectacle parce qu’un metteur en scène, des acteurs, un scénographe, un éclairagiste, un vidéaste, un ingénieur du son et des techniciens ont ardemment œuvré à nous offrir ce cadeau.
Pendant que doucement « la culture » s’éloigne des priorités de certains politiques, les budgets consacrés à la culture sont souvent les premiers réduits… Ceux consacrés à la Défense et à la Sécurité, eux, augmentent… – certes, Horace fait la guerre…! Pourtant, depuis la nuit des temps, la culture et l’éducation ont fait avancer l’homme vers plus de démocratie, de tolérance et de liberté de penser.
Pendant que doucement certains directeurs de théâtre et programmateurs de spectacles se désengagent de leurs missions, n’ont plus le courage de choix audacieux, cultivant le « jeunisme« , limitant le « risque« . Pendant que doucement « la création » pourrait perdre sa place, que les dates de tournées des spectacles se réduisent. Car désormais très peu de « décideurs » financent ou programment « sans avoir vu« , en dehors des « têtes d’affiche« . C’est pourtant le principe de la création. Un cercle vicieux qui rappelle un peu celui du demandeur d’emploi à qui l’on dit qu’il est plus facile de trouver un travail lorsque l’on n’est pas au chômage… ou au jeune diplômé à qui l’on dit qu’il faut avoir une première expérience professionnelle pour espérer une deuxième…
Pendant que doucement meurt le spectacle vivant.
Un autre nécessaire plaidoyer: celui pour la création théâtrale, pour sa survie.
Horace – Corneille – mise en scène Renaud-Marie Leblanc
jusqu’au 25 mars 2017 – Théâtre du Jeu de Paume – Aix-en-Provence
avec Vincent Deslandres, Marion Duquenne, Samir El-Karoui, Florient Haas, Maud Narboni, Sharmila Naudou
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