Lauréate du Prix Camera Clara 2019 qui récompense les photographes qui travaillent avec une chambre photographique. Son beau travail est une pause salutaire dans le déferlement d’images qui suggèrent tout et n’importe quoi.
Elle vit dans le Vercors, ce pays dur et vertigineux, son élan photographique semble à l’inverse tout en nuances. Elle aime prendre son temps, comme pour le suspendre et s’en interroger.
Delphine Balley étudie d’abord l’Histoire de l’Art qui l’ennuie vite, elle l’abandonne pour étudier la photographie, sans trop savoir pourquoi. Au point qu’elle renonce aussi pour ensuite verser quelque temps dans des petits boulots qui n’ont rien à voir avec l’image.
Pourtant la photo revient par la porte mystérieuse de ses rêves qu’elle tente de fixer sur des négatifs. Pour cette entreprise hasardeuse, elle choisit un 6X6, déjà un grand format et surtout une fascination pour son dépoli qui montre ce que seront ses sujets à l’envers, « une fascination entre l’image que j’imagine et ce qu’elle sera« . Elle en convient, c’est un « rituel un peu maniaque« .
Ses rêves (passés) sont aussi dans l’armoire de sa mère: elle en photographie les objets, une série insolite qui donnera lieu à plusieurs premières expos.
Maman, papa et les autres, la famille va devenir centrale de son envie photographique, « ça va être mon roman fleuve. ». En effet, la série Album de famille, déjà bien garnie, est toujours en cours.
Fascinée fascinante
On ne sait pourquoi (le sait-elle?) la plupart de ses images sont imprégnées d’inquiétude voire de morbide, notamment quand elle remet en scène à sa façon des faits divers. Ce côté figé de l’instant d’un drame qui rappelle les formidables dessins de Di Marco dans le populaire journal Détective (elle l’admire). Comme lui, elle aime imaginer, inventer et représenter ce que personne n’a pu voir, elle cultive le trucage et l’artifice et admire donc aussi Daguerre, ancêtre de la photographie, certes, mais auparavant grand maître du spectacle en trompe-l’œil. Tout le contraire d’une photo-journaliste, elle sait l’ambiguïté d’un cliché, son potentiel de tromperie: le titre de sa série « Voir c’est croire » sonne comme un pertinent avertissement dans le désormais monde numérique du déferlement incontrôlable d’images.
Delphine Balley a choisi a dessein, de travailler avec une lourde chambre photographique, son incommodité, ses incertitudes et ses exigences (lumière, profondeur de champ, longs temps de pose…). La contrainte devient un confort, celui de pouvoir réfléchir et se donner le temps d’une mise en scène ultra-minutieuse, de ne rien laisser au hasard. La démarche l’interroge sur la fonction de la photo: réelle ou magique? Les deux. C’est bien ce qu’elle dit en commentant dans cette Photo Parlée une image très imprégnante. C’est bien ce que font les peintres depuis toujours.
« J’aurais dû être peintre, mais je ne sais pas dessiner… »
→ Delphine Balley est née en 1974 à Romans. Elle étudie l’Histoire de l’Art puis la photographie à l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles. La galerie lyonnaise Le Réverbère l’accueille pour une première exposition en 2005. Plus tard, elle réalise 2 films, « Le pays d’en haut » à partir de sa série Album de famille et « Charivari » autour du thème du carnaval. Elle privilégie l’utilisation de la chambre photographique pour ses principaux travaux. En 2019, elle est lauréate du Prix Camera Clara qui récompense les artistes utilisant cette technique ancienne du grand format.
Delphine Balley expose:
– 16-18 avril 2020: Lyon – Les enfants de Saturne (7 rue Antoine de Saint Exupéry 69002)
– 21 mai / 04 octobre 2020: Auch – Le Memento
> Le livre Histoires de famille est édité par les éditions Liénart
> un site pour découvrir les séries de Delphine Balley
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