Jack Ralite: « Deux mains, l’une chez les ouvriers, l’autre chez les artistes! »

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Il est mort et tout le monde lui a su deux églises : la culture et le parti. Moins que sa mère, née Marguerite Touchefeu a bataillé contre le grand-père François qui voulait qu’on l’appelle comme lui. Et Jack (maman fait claquer le prénom!) naît jumeau le 14 mai 1928. Ferré le disait un peu anar. Aubervilliers fut sa commune comme le théâtre fut sa passion et le Sorel de Stendhal une référence

 

Ses passions sont tout entières dans cette émission de 2003 mais je ne retiendrais ici que les deux mains de Jack Ralite. Pour l’avoir très longuement rencontré en 1995 à l’occasion d’un livre consacré aux quatre ministres communistes de deux gouvernements Mauroy entre juin 1981 et juillet 1984 (« Quatre ministres et puis s’en vont »), je cite deux moments qui disent pourquoi ces deux mains-là ont toujours été à serrer.
 

Le porte à porte! Tout à l’heure j’ai appelé une famille et j’ai discuté pendant une demi-heure de la sécurité dans la ville. Quand c’est très grave, je vais à domicile. Ce sont alors des moments de sacré bonheur social. C’est drôle comme on est bien quand on va chez les gens. Dans les années 70, une dame avait été bouleversée par un avis d’explusion et avait décidé d’écrire à son député. Ce n’était qu’un cri. Je me pointe, incognito, rue du colonel Fabien, sans rire : 
– Jack ralite, je viens de la mairie.
– Rentrez!

Et la discussion commence. Elle était courtoise, mais extrêmement dure :
– Qu’est-ce que vous voulez, tous ces hommes politiques, ça s’en met plein les poches!
Y’a qu’à me dire ça pour que je réagisse comme un petit diable. Je venais de recevoir ma paie du Parti. En colère, je sors le reçu que je lui montre :
– Regardez, c’est moi qui succède à Waldeck-Rochet et je suis votre député. Regardez ce que je gagne, un salaire d’ouvrier qualifié!
– Ah!

Ça lui a fait un choc. Nous avons continué à discuter. Son mari est arrivé, les voisins sont venus boire l’apéritif. Cette femme m’a écrit pendant dix ans une lettre au moment de Noël. On avait un lien… Le lien social!

« Quatre ministres et puis s’en vont… »  Ph. L. Les éditions de l’atelier, 1995.

  • Jack Ralite est ce jour-là l’invité d’une émission avec le photographe, peintre et sculpteur Jean Marc Bustamante. 
  • Claudel m’émeut, grâce à Antoine Vitez. C’est une « chose » énorme. Manger des croissants à Avignon à six heures du matin quand vous avez passé la nuit avec Le soulier de satin. Quel bonheur, cette impression d’avoir le monde dans sa tête et dans sa main quand on lit cette pièce-là! J’ai été voir sept fois Le partage de midi.
    La rencontre avec Claudel m’a bouleversé, même si l’histoire de sa soœur me gêne…
    Au milieu des années 80, les psychiatres en congrès au théâtre d’Aubervilliers, m’ont demandé un discours. J’ai téléphoné au Musée Rodin :
    – On ne prête jamais. Mais à Orsay, ils en ont !
    – Allô, le conservateur du Musée d’Orsay ,
    – Oui
    – Pourriez-vous me prêter …
    – Je ne peux pas vous le refuser, vous aimez trop l’art !

    J’ai fait mon discours pour les psychiatres sur Camille Claudel devant cette éblouissante statue qui repérsente Rodin, très grand, sa femme et Camille, implorante, à genoux, et dont la folie est en train de naître …
    Et sur les photos de ce congrès, ce qui est le plus vivant, c’est Camille Claudel, pas les gens autour.

    « Quatre ministres et puis s’en vont… » Ph. L. Les éditions de l’atelier, 1995.

     

  • « Des mots de minuit ». Extrait de l’émission du 30 avril 2003. 

    Réalisation: Pierre Desfons

    ©Desmotsdeminuit/France2
     

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