Milena Busquets. « Ça aussi, ça passera »: sea, sex and sun?

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Contrairement aux apparences « Ça aussi ça passera » de Milena Busquets n’est pas le livre de l’été mais une variation haute en couleurs sur la question du deuil.

Tout y est. La mer, le soleil, le sexe, et quelques joints de ci de là. Pourtant « Ça aussi ça passera » de la romancière espagnole Milena Busquets est bien plus que cela. Mais n’anticipons pas. Son héroïne, Blanca, lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Même franc parler, même fantaisie, même sensualité. Blanca vient de passer le cap de la quarantaine. Et de perdre sa mère. « J’enterre ma mère et, en plus, j’ai quarante ans. » Deux raisons suffisantes pour fuir Barcelone et se réfugier dans la maison familiale de Cadaqués en compagnie d’une joyeuse tribu: ses enfants, ses amies, ses ex-maris, son amant et le chien de sa mère. Au programme: baignades, promenades en bateau, siestes et visites au cimetière sans cesse différées. « A ma connaissance, la seule chose qui ne donne pas la gueule de bois et met entre parenthèse la mort- comme la vie- c’est le sexe ». Blanca va donc s’y adonner avec toute l’énergie de son désespoir. Immense si l’on en juge par la fréquence de ses siestes qui donnent lieu à des scènes dont la crudité n’a d’égale que la joyeuse vitalité. 
Ne pas s’y méprendre pour autant. Si Eros règne en maître sur le second roman de Milena Busquets, c’est pour mieux tenir Thanatos à distance. Un art de vivre qui a été transmis à Blanca par sa mère, intellectuelle fantasque et exigeante qui, parmi ses nombreuses toquades, souhaitait être enterrée avec sa chienne. Une dernière volonté qui ne sera pas respectée par sa fille -« On n’est pas dans l’Egypte des pharaons « – laquelle suivra en revanche à la lettre ses recommandations en matière amoureuse. « Tu ne m’as jamais freinée. Tu considérais que l’amour justifiait des comportements saugrenus qu’en n’importe quelle autre circonstance tu aurais blâmé ». Blanca ira donc au grès de ses fous rires et de ses amants se remémorant les jours heureux de son enfance auprès de cette mère que tous admiraient et à qui elle fera sur le tard cette confidence bouleversante: « Longtemps, la seule histoire d’amour qui m’a importée a été mon histoire avec toi ».

 

Monologue ardent, « Ça aussi ça passera » est avant tout une magnifique lettre d’amour d’une fille à sa mère. Véritable héroïne de ce livre l’absente lui communique sa joie de vivre et son mépris total des conventions. Nul doute, Milena Busquets alias Blanca est bien la digne fille de sa mère et lui rend un hommage à sa démesure. Tour à tour poignant, sensuel, décapant,  drôle et mélancolique. « Tu m’as donné le coup de foudre comme seule forme possible de tomber amoureuse (tu avais raison), l’amour de l’art, des livres, des musées, du ballet, la générosité absolue vis à vis de l’argent, les grands gestes aux bons moments, la rigueur dans les actes et dans les mots. L’absence totale de culpabilité, la liberté, et la responsabilité qu’elle implique ». Le résultat est là. Un roman solaire sur le deuil porté par une écriture à la spontanéité revigorante.
Viva la muerte!
Alexandra Lemasson

Ça aussi, ça passera – Milena Busquets – Gallimard, 192 pages

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