« Les pires coups de pute de Judas à nos jours (pour ne citer personne) »

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Un petit manuel de « savoir-s’en-sortir » cultivé et culotté, qui nous prouve par l’exemple qu’il n’y a rien de plus payant qu’un coup de pute savamment asséné. Une anthologie déjantée des coups de pute légendaires de la littérature, du cinéma et de la politique par Arthur Anjou (Librio). Un bon divertissement à siroter sur la plage ou dans le métro.

Rien qu’en lisant le sommaire, on sourit dans le métro : « Pour se faire un nom: Judas » / « Pour tuer le père (toujours pratique): Brutus et César » / « Pour donner du style à ses mails: Les Liaisons dangereuses de Laclos » / « Pour s’éviter une énième révolution du prolétariat: Cendrillon« … De Judas aux grands fauves de la politique, on ne va pas se mentir, les coups de pute sont le sel de l’histoire. Et s’ils nous fascinent autant depuis qu’on regarde Walt Disney, c’est qu’ils sont bien plus qu’un coup bas: un art consommé de la mise à mort qui s’affranchit de toute éthique. « Si vous êtes végétariens, passez votre chemin« : on est prévenu.

 

Le coup de pute, mode d’emploi

Premier conseil, un vrai coup de pute se pratique en famille – qu’elle soit de sang, de cœur ou politique: tuer le père ou écraser un fils malaimé, se venger d’une rivale jalousée ou consommer la mort sociale de son meilleur ami, c’est parce qu’il frappe un proche que le coup de pute est digne de ce nom. La parabole du fils prodigue devient le coup de pute d’un richard d’aujourd’hui qui a toujours préféré son cadet et qui n’a pas l’intention de le cacher à l’aîné, les cabales de Saint-Simon fournissent plusieurs astuces utiles si vous voulez devenir secrétaire général de l’Élysée, et des « Brèves de manoirs » proustiennes nous prouvent que le coup de pute peut devenir un art de vivre, une esthétique à part entière, comme le dandysme.
Parce que l’art du coup de pute, du baiser de Judas au jogging de Villepin, implique une mise en scène et quelques accessoires stratégiquement utilisés: le plateau d’Hérodiade, le coup de poignard dans le dos, une pantoufle de vair glissante, un croc de boucher ou les croissants du dimanche ont souvent fait l’affaire. Tout aussi efficaces, un compte en Suisse ou un tweet assassin figurent également en bonne place dans le palmarès de ces coups de pute dont ce livre bien documenté nous fournit un aperçu assez varié.

 

L’embarras du choix
En moins de cent pages, Arthur Anjou nous dissèque finalement toute une gamme de coups de pute: le coup de pute mondain, le coup de pute boomerang, le coup de pute pour la beauté du geste ou le coup de pute sans rancune… Chaque fois, un récit alerte et irrévérencieux revisite un mythe ou une scène culte, avant d’en commenter un court extrait. Le style est percutant et les jeux de mots sans complexes mais efficaces : « Les boules! (de suif…)  » / « Moi président, je serai sans merci (pour ce moment) » / « Madame est servie (Hérodiade, Salomé et Jean-Baptiste) ».
L’agrément de ce livre vient également des leçons de morale ou des adresses décalées que nous livrent de petits encadrés:

Le branleur fils prodigue:

 

 

Utile si:
–         vous êtes parent et, c’est honteux, c’est très mal, mais tant pis c’est comme ça: vous préférez l’un de vos gosses (faites pas semblant) ;
–            vous êtes notaire;
–             vous confondez prodigue et prodige

Brèves de manoirs :
–  Allez, bougez-vous, faites un effort: vous aussi, vous pouvez lire Proust.
–  Allez, bougez-vous, faites un effort: vous aussi, vous pouvez comprendre Proust.
–  Allez, bougez-vous, faites un effort: vous aussi, vous pouvez aimer Proust.
–  Allez, bougez-vous, faites un effort: essayez au moins de lire ces extraits en entier.

Extrait

« La hargne est un engrais puissant. Plus toxique qu’un pesticide, elle fertilise le terreau médiatique avec une efficacité redoutable. Il suffit que la parcelle ait été patiemment préparée et que la saison soit clémente pour que se profile une récolte historique.
Les love stories présidentielles sont peut-être les terres les plus arables des campagnes françaises. Sur elles pousse une plante nourricière, l’indécence, matière première avec laquelle on fabrique les torchons – vous savez, ces gazettes au papier criard qui servent à relayer la crasse et qui, ne coûtant rien, se vendent par millions chaque année. (Bon, ok, on lit les mêmes.)
Trêve de métaphore. Dans un monde où l’animal politique est jugé capable de gouverner la cité s’il a les dents blanches et les abdos fermes, les amourettes qui lui donnent une épaisseur humaine sont un enjeu électoral majeur. On connaît tous le coup du mannequin sorti du chapeau de Mickey pour redoper la cote de l’âme présidentielle esseulée… »
Les pires coups de pute, de Judas à nos jours (pour ne citer personne) – Arthur Anjou – Librio Humour, 2014,
3 euros.

 

 

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