« Un bruit de balançoire » de Christian Bobin: la magie des petits riens
L’auteur de « L’homme-joie » signe un recueil de lettres qui rivalisent de beauté. Elles sont adressées à sa mère, à un ami, à un nuage, mais aussi à Nadejda, femme du poète Mandelstam, ou à Marina Tsvetaeva. Derrière chacune d’elles se cache la figure tutélaire de Ryokan moine japonais et génie de l’enfance.
Je le découvre et je revois des pans de ma vie »: moi aussi j’avais trente ans, aucune place dans le monde, comblé de jouer pendant des heures avec des enfants. Moi aussi j’aimais – et j’aime de plus en plus à présent qu’ils sont menacés – la course des nuages, les joues timides de l’automne, le bleu bravache des étés.
Christian Bobin
Le moine errant se cache derrière chacune de ses lettres mais c’est une présence discrète et l’écrivain affirme qu’il a non pas écrit un livre sur Ryokan, mais avec lui. La nuance est de taille. Et la présence de cet homme qui à tous les honneurs préféra la compagnie des enfants partout nous accompagne. Christian Bobin raconte qu’après la mort de son père, le moine errant qui dormait dans un fossé rêve d’un homme qui lui dit: « Ce soir la nuit est bonne, parlons tranquillement de la vie ». Tel est le projet de l’écrivain poète dans ce recueil de lettres adressées à des destinataires toujours différents: « Parlons tranquillement de la vie puisque nous n’y comprenons rien ».
Il y est donc question de cette vie qui « passe à la vitesse d’un cri d’oiseau », de l’enfance et de la mort mais aussi d’une sonate de Bach, de la course des nuages ou des tambours illusoires de la modernité. Dans chacune d’elles, Christian Bobin excelle à célébrer les petits riens du quotidien. Sept mandarines dans une assiette creuse semblables à « une congrégation bouddhiste dans la vallée », « le grincement d’une balançoire vide », « le chant du coucou ». « L’esprit n’a vraiment besoin de rien pour venir au monde »,affirme le poète, mais « de ce rien il a vraiment besoin ». Chacune de ces lettres aussi indispensables que l’air que l’on respire en est la preuve. « Il est infiniment rare que quelqu’un nous parle », rappelle l’écrivain. C’est pourtant l’expérience à laquelle nous convie ce livre dont chaque missive nous va droit au cœur.
L’iconoclaste – 122 pages
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