📚 « Les gratitudes” de Delphine de Vigan: la vie en EHPAD

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1899

Sujet d’actualitĂ© que celui du dernier roman de l’auteur de Rien ne s’oppose Ă  la nuit qui raconte avec finesse et empathie les ravages du grand Ăąge. Bouleversant.

C’est l’histoire de Michka, « une vieille dame aux allures de jeune fille. Ou une jeune fille devenue vieille par inadvertance« , qui du jour au lendemain quitte son domicile et se retrouve en EHPAD. LĂ , comme dans la majeure partie des cas, commence la dĂ©gringolade. Ni les visites de Marie dont elle s’est occupĂ©e lorsqu’elle Ă©tait enfant, ni celle de JĂ©rĂŽme, orthophoniste attentif, n’y pourront rien changer. La mort est au bout du chemin. AnnoncĂ©e dĂšs l’incipit du livre. « Aujourd’hui, une vieille dame que j’aimais est morte. Je disais souvent: «Je lui dois Ă©normĂ©ment.» Ou peut ĂȘtre que sans elle, je ne serais plus là». Je disais «Elle compte beaucoup pour moi» (
) Mais l’ai-je assez remerciĂ©e? Ai-je suffisamment montrĂ© ma reconnaissance? Ai-je Ă©tĂ© assez proche, assez prĂ©sente, assez constante? Â» s’interroge la narratrice.
Si Delphine de Vigan s’intĂ©resse Ă  un fait de sociĂ©tĂ© des plus prĂ©occupants, elle le fait Ă  sa maniĂšre toute en finesse et sensibilitĂ©. Inscrit dans le droit fil de son prĂ©cĂ©dent roman, ce dernier poursuit son exploration des sentiments qui rĂ©gissent nos vies. AprĂšs les loyautĂ©s, la gratitude dont notre sociĂ©tĂ© semble avoir oubliĂ© le sens. Ce n’est pas le cas de Marie pour qui Michka a toujours Ă©tĂ© lĂ  dans les moments difficiles. Que ce soit lorsque sa mĂšre ne parvenait plus Ă  s’occuper d’elle. Ou plus tard, lors de son hospitalisation. Ce n’est pas non plus celui de la vieille dame qui veut Ă  tout prix retrouver ceux qui l’ont recueillie pendant la guerre.
Brel avait composĂ© une chanson bouleversante sur ce que signifie vieillir –Les vieux-, Delphine de Vigan a composĂ© un roman qui l’est tout autant. Faisant alterner les monologues de Marie et ceux de JĂ©rĂŽme, elle retrace les derniĂšres heures d’une vieille dame qui perd ses mots alors qu’ils ont Ă©tĂ© toute sa vie, dit «robe des champs» au lieu de robe de chambre, «merdi» au lieu de merci et «perdre la bĂȘte» au lieu de perdre la tĂȘte.  «Vieillir, c’est apprendre Ă  perdre» Ă©crit la romanciĂšre «Encaisser chaque semaine ou presque, un nouveau dĂ©ficit, une nouvelle altĂ©ration. (
) Perdre la mĂ©moire, perdre ses repĂšres, perdre ses mots. Perdre l’équilibre, la vue, la notion du temps, perdre le sommeil, perdre l’ouĂŻe, perdre la boule».
Alors n’oubliez pas de dire merci tant qu’il est encore temps, rappelle Delphine de Vigan.

Les gratitudes de Delphine de Vigan – Édition JC LattĂšs – 192 pages

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