Des idées reçues à la pelle : La bergère desmotsdeminuit.fr #53
J’avoue qu’il est parfois confortable de se glisser dans les clichés agricoles. Remarque paradoxale à la lumière de l’énergie que je déploie pour les combattre! Mais ils sont comme un bon vieux pyjama: informes et confortables…
Une histoire de bouclier
Les idées reçues sur l’agriculture sont caricaturales car on n’est pas tous issus du même moule, évidemment. Mais elles induisent une forme de facilité et nous épargnent même des efforts quand on a la flemme de s’améliorer… Seraient-elles une aubaine pour notre profession, une sorte de bouclier derrière lequel on se cache quand est mal lunés? Notons qu’il existe peu d’autres métiers dans lesquels on peut critiquer les smartphones, les étrangers (au village), l’Europe, les grands magasins, la politique de gauche et l’écologie avec autant de candeurs et d’exemples concrets! Tout en vivant de subventions publiques, en ayant chacun 7 agents administratifs qui bûchent sur notre cas, un salon International à Paris qui nous glorifie chaque année et l’impunité de balancer fumier, pneus ou ragondins sur les présidents, préfets et autoroutes.
En tout cas, si on a le droit de sélectionner quelques clichés à utiliser en cas d’urgence, j’ai fait mon choix parmi la liste suivante (d’autres options possibles dans la chronique #52)
Grippe-sou :
Parano :
Arriérés :
Non, juste patients! Dans la nature, aucune évolution ne se fait rapidement. Donc on suit le mouvement et on avance au rythme de la tortue plutôt qu’à celui du lièvre.
Hostiles aux nouveaux arrivants :
Ce ressort-là, il vient plutôt de la terreur qu’on nous ôte le pain de la bouche! Comme des hommes préhistoriques qui voient une nouvelle tribu venir chasser sur leur territoire. C’est trivial mais ça se comprend: quand nous, les agriculteurs en place, galérons à survivre, nous entretuons pour la moindre parcelle disponible, la perspective d’un nouvel arrivant sur nos plates-bandes, ça nous sape le moral. L’État a des statistiques à remplir (des quotas d’agriculteurs à installer), mais on préfèrerait que ces fonctionnaires bûchent sur le sujet: « gagner sa vie en agriculture », plutôt qu’envoyer dans le mur de nouveaux candidats.
Envieux :
C’est vrai que nous sommes envieux! Pas jaloux des plus gros tracteurs, mais un peu envieux de la sérénité du reste du monde, ceux qui n’ont pas de troupeau à gérer. Envieux de leur week-end insouciant, du temps de qualité qu’ils consacrent à leur famille, de leur mobilité, de leur ouverture culturelle! On fantasme bien sûr, car cette vie idéalisée n’existe pas, au fond de nous on s’en doute. Ce qui ne nous empêche pas d’être agacés (devrais-je dire franchement grognons?) par les jérémiades des consommateurs qui ne savent plus comment dépenser leurs sous en objets inutiles qui ne les rendent jamais heureux. L’austérité est quand même plus reposante.
Suicidaires :
Ce terme sonne un peu trop fatal, parlons plutôt d’un symptôme d’à-quoi-bon. On n’a pas tous envie de se tuer au réveil, mais notre quotidien repose sur une telle absurdité (travailler pour perdre de l’argent, sans aucune perspective de rentabilité) que notre échelle de valeurs personnelles, ou les motivations pour aller bosser la tête haute, s’embrouillent parfois et qu’on ne sait plus très bien à quoi on sert dans la vie. On peut parler de « Shadockisme » avancé.
Coincé :
Serial pollueur :
Ce cas-là, je ne l’ai pas encore rencontré en vrai. Pour prendre du plaisir à décimer les oiseaux, accrocher des lambeaux de bâche en plastique aux arbres, déverser du lisier aux antibiotiques dans les ruisseaux, en vouloir personnellement aux haies séculaires et se faire des barbecues de pneus en centre-ville, il faut quand même être tordu du ciboulot. Ou alors c’est que ma formulation est simpliste, la réalité plus complexe, et les agriculteurs pris dans un étau de contradiction qui les met systématiquement en porte-à-faux. Peut-être bien que c’est quelque chose comme ça.
Assistés :
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