La saucisse grillée constitue la base de la « street food » normande. Le hic, c’est que les éléments semblent se liguer contre elle!
À armes inégales
Deuxième gong: l’ouverture d’un Mac Donald dans une commune de 6 000 habitants. Le symbole y fait particulièrement mal car c’est là qu’est situé le dernier abattoir fonctionnel du département, le seul permettant aux éleveurs de vendre en circuit-court. L’ouverture d’un établissement prônant la « trash-food » apparait donc particulièrement provocante aux yeux des agriculteurs.
Car malgré les efforts de ces derniers pour défendre les produits terroir et le bien-manger, ils ne disposent pas d’outils aussi puissants que la tentaculaire chaîne américaine. Ils peuvent juste brandir des photos de paysages, d’animaux heureux, des assiettes pleines de mets régionaux et un grand sourire à chaque client. C’est ce que fait également Mac Do, avec mille fois plus de puissance et de visibilité, grâce à ses équipes de graphistes et de publicitaires, une stratégie marketing redoutablement peaufinée que ne pourront jamais s’offrir les paysans locaux ni les métiers de bouche indépendants.
Faisant fi des scandales alimentaires passés et des légendes urbaines attestant que leurs frites ne pourrissent jamais, ils sont passés à la vitesse supérieure du greenwashing. Si le logo rouge est devenu vert, c’est pour mieux coller à leur nouveau positionnement: matière première locale achetée aux producteurs. Justement les arguments des vrais paysans qui essaient de s’en sortir, et qui se font piquer jusqu’à leur démarche authentique!
Le même goût
Les consommateurs « éclairés » et les sociologues les connaissent, les méfaits de l’implantation d’un Mac Do. Ce n’est pas par simple esprit de contradiction que le maire d’Oléron s’est battu pendant 4 ans contre cet outrage fait à ses administrés. Outre la laideur du bâtiment préfabriqué qui tranche avec les architectures traditionnelles régionales, l’affichage criard enlaidira tous les abribus. Des conséquences sur les papilles seront également à déplorer car les aliments sont tous nivelés. Ils ont tous le même goût. Du sucré, du salé, du gras et du prémâché qui s’avale sans la nécessité d’utiliser ses dents. Seuls l’emballage et la couleur peuvent changer, tout comme les futilités distrayantes qui décorent ces ersatz de repas. Qu’il s’agisse de vermicelle, toping ou smarties, sauce cheyenne, arizona ou barbecue, on s’en fout du nom: tout a le même goût.
Le suremballage constitue un autre problème important, car chaque aliment est protégé par plusieurs épaisseurs de papier, emballé séparément, et accompagné de nombreux sacs, serviettes et doses individuelles. L’ONG Zéro Waste dénonce régulièrement la mauvaise gestion des déchets des Mac Donald’s France. Non seulement leur volume de déchet augmente (+20% entre 2013 et 2015) mais leur part de recyclage diminue (seulement 25% de leur déchets sont recyclés).
Arguments divers
Sans compter que ces suremballages ne se contenteront pas de reposer au fond d’une poubelle non triée, ils voleront poétiquement sur les bords des routes, dans les chemins et parfois dans les arbres. On comprendrait presque le choix de packaging vert… opération camouflage?
Les partisans de Mac Do brandissent l’argument de l’emploi: l’attractivité de l’établissement dynamisera le secteur tout en créant de l’emploi. Décortiquons ce sophisme de bas étage et courte durée. Si Mac Do créé des emplois, il en fait disparaître d’autres. Quid des restos routiers et des grilleurs ambulants qui vivotent sur le territoire? Une chute de clientèle, même temporaire, peut sonner le glas de leur activité.
Quant aux « nouveaux consommateurs » que Mac Do souhaite conquérir, s’ils privilégient d’aller dans la chaîne de fast food au lieu de déjeuner chez eux ou à la gamelle, ils pâtiront progressivement de l’hyper caloricité de ces aliments ultra transformés vidés de leurs nutriments. Le lien entre junk food et surpoids n’est plus à prouver. Rappelons que l’Organisation Mondiale de la Santé considère l’obésité comme une « épidémie » et alerte sur les pathologies qu’elle entraîne: diabète, cancer et maladies cardiovasculaires. Mais les conséquences ne sont pas à observer seulement sur le malade qui en souffre: l’institut McKinsey Global a analysé les coûts de protection de la santé et de baisse de la productivité directement causés par l’obésité. À l’échelle mondiale, ce coût s’élèverait à 1 800 milliards d’euros, soit 2.8% du PIB mondial.
Ça coûte
Difficile de chiffrer le coût indirect d’un Mac Donald à l’échelle d’un petit territoire, surcoût qui sera pris en charge par la collectivité au sens plus large: augmentation des frais de santé, des arrêts maladie, chômage, aides sociales, ramassage de déchet, etc. Et il est délicat en terme d’éthique de pointer les burger addict de responsables de ces maux.
Essayons de comprendre le point de vue de la municipalité, qui a sans doute l’impression d’œuvrer positivement pour ses administrés en rendant son territoire plus attractif. A l’échelle d’un mandat, ils sont prêts à tout pour assurer à Madame Michou qu’il fait bon vivre dans cette commune, plus besoin de se rendre dans la ville d’à côté pour bénéficier des lumières de la modernité en dégustant un Triple Cheeseburger sauce Ranch.
♦ Stéphanie Maubé dans l’émission de France Inter « On va déguster« : (ré)écouter (6 mai).
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