C’est le destin! Il n’y a pas de cuisinière en stock, le ruban adhésif n’adhère pas et l’officier de police à l’aéroport veut manger…
Brûler son mal en patience …
Trouver un produit de qualité au Tchad semble une gageure. Le ruban adhésif n’adhère pas, les piles sont tordues, les avocats sont pourris avant d’être mûrs et même un aliment aussi basique que l’œuf est problématique. Étant végétarienne, les œufs reviennent au menu un jour sur deux. Ici, j’ai vite appris à les casser un par un dans une tasse pour vérifier leur état, et je trouve régulièrement un œuf pourri dans le lot qu’on est allé m’acheter chez « quelqu’un de confiance ». Un jour, j’en ai cassé un dont le blanc était cuit: était-il resté trop longtemps au soleil?
Euh, qui fait quoi?
Au bureau la situation s’améliore. J’ai enfin pu démarrer ce que j’appelle des “chantiers“, des réflexions en équipe qui ne sont pas focalisées sur l’immédiateté et qui devraient permettre à terme de faciliter, fluidifier et anticiper les activités. Je commence à mieux discerner mon rôle dans cette nombreuse équipe d’une centaine de personnes réparties sur sept sites différents. Dans mes relations avec les acteurs extérieurs, je suis encore au stade de comprendre le « qui fait quoi », et surtout dans quel but. Mais c’est un vaste chantier qui va me demander encore beaucoup d’efforts.
C’est pour cela que, la semaine dernière, j’ai sacrifié mon samedi matin pour participer à une Journée des volontaires, au cours de laquelle j’ai pu écouter avec attention les discours des officiels qui vantaient l’engagement des jeunes dans le volontariat. Il doit y avoir une trentaine de jeunes français sous ce statut au Tchad et, pour la première fois, le Tchad a envoyé cette année une volontaire pour intervenir dans une organisation française. Le Ministre de l’Économie en a fait le sujet principal de son discours, sans préciser que cette expatriation était financée par la France, pas plus qu’il n’a pris la peine de remercier les volontaires français qui travaillent dans des conditions assez rudes pour des émoluments très symboliques. En fait, les quelques fois où il a dû évoquer les travailleurs non-tchadiens, il s’est mis à bégayer.
J’ai profité de cette occasion pour goûter le Nescafé local en appréciant l’ingéniosité de son vendeur – première fois que j’en vois un portant son équipement sur le dos, dans d’autres pays, ils poussent un stand à roulette – et pour m’inscrire à la bibliothèque / médiathèque de l’Institut français qui hébergeait la manifestation.
Manger? Comme on demande de l’argent …
Ce dimanche, je suis allée accueillir un nouvel expatrié à sa descente d’avion. En attendant qu’il sorte de l’aéroport, j’ai dû attendre à l’extérieur, à l’ombre assez illusoire d’un panneau publicitaire. Après le premier flot de passagers, je me suis enquise auprès des militaires en faction devant l’entrée de la présence de passagers encore en attente de leur bagage. Un officier m’a dit d’attendre, que la distribution des bagages du vol en provenance d’Addis-Abeba allait bientôt commencer. Une vingtaine de minutes plus tard, il m’a fait chercher et m’a proposé un badge pour attendre à l’intérieur, mais j’ai fait une erreur: j’ai pris son laisser passer contre le dépôt de mon badge professionnel alors qu’il me parlait de “manger“. Entrer ne servait à rien, et je n’en étais plus à une demi-heure près à cuire au soleil. Bien sûr quand, flanquée de « mon » expat, je lui ai rendu le badge il m’a reparlé de “manger“. Et là, fidèle à moi-même, pour ne pas dire « psycho-rigidifiée », j’ai refusé en une pirouette souriante. Le gars n’était clairement pas content, et il a mon numéro de téléphone! Bref, je suis grillée.
Tant pis, je suis fatiguée de ces situations et n’ai plus la souplesse nécessaire pour les gérer (l’ai-je d’ailleurs jamais vraiment eue?). Comme je suis fatiguée des grillons et des quarts de cuisinière à gaz.
Mais c’est ainsi – mektoub*! c’est la vie au Tchad.
* Mektoub
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