Les Carnets d’ailleurs de Marco & Paula #114: Ma vie en rose…
Paula n’a pas pris la poudre d’escampette comme le mutin Marco; elle est restée à Abidjan.
Certains des manifestants armés ont dégoupillé une grenade offensive, qui a explosé en leur sein
Il n’y a pas qu’à Manchester que sévissent les ras-du-bulbe (je leur refuse une majuscule).
Quelle que soit la situation, je ne ferai pas comme certains expatriés, la semaine passée, qui sont partis dormir dans un hôtel près de l’aéroport – depuis les attaques menées en 2004 contre les Français, certains de mes compatriotes deviennent décidément très émotifs dès qu’un pistolet claque. De toute façon, depuis quelques jours, je ne sors plus de l’appartement, un dos bloqué limitant mes mouvements « du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil mais pas encore du lit au lit »*. Bien que j’ai épuisé mon stock de livres de la bibliothèque, je ne suis pas en panique. Ma liseuse est riche d’une vingtaine d’ouvrages en cas de disette. Et je conserve précieusement un recueil de nouvelles d’Haruki Murakami pour les jours de désespoir.
Une amie m’informe que dans « le pays-où-il-ne-fait-pas-bon-vivre » où elle est actuellement en poste, sa partie de belote coinchée d’un dimanche récent a avorté, l’un des quatre joueurs s’étant fait enlever par des rebelles. Heureusement, il a été rapidement délivré, mais il a eu peur pour sa vie, me raconte t-elle, quand les guerriers, ayant décidé qu’il devait combattre avec eux, ont entamé des rites initiatiques de préparation à la bataille.
On ne sait si une rançon a été payée ou pas, cela ne regarde que les concernés. Payer ou ne pas payer? En théorie, verser une rançon sauve une vie mais en met potentiellement plusieurs autres en danger; dans la région des Grands Lacs, la pratique de l’enlèvement s’accentue. Mais dans la pratique? Quand un collègue humanitaire est concerné, ne remise t-on pas ses principes au placard? Dans le cour de psychologie de la négociation que je suis en ce moment, on parle de « cadrage à la perte ». La certitude de sauver une vie est ressentie plus satisfaisante que l’incertitude d’en sauver plusieurs… curieuse arithmétique !
« Alors on danse! » chante Stromae. Alors on fait danser, énonce Jenny Mezile dans son spectacle « Ma vie en rose ». Haïtienne installée en Côte d’Ivoire « depuis depuis », elle a récemment présenté une belle et puissante chorégraphie-catharsis dansant les pensées d’une femme ensevelie sous les décombres d’un tremblement de terre. J’ai vu ce spectacle le soir de la première journée agitée dans Abidjan. Contre l’absurdité existentielle, l’art m’est toujours consolateur.
*« Les vieux », Jacques Brel.
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