Carnets d’ailleurs de Marco & Paula #64 : d’un fleuve à l’autre…
Paula est assise à sa terrasse, les yeux perdus dans le fleuve. A sa droite, des branches se balancent mollement mais les palmes sont devenues aiguilles et pommes de pin. Et le fleuve n’est pas Congo mais Danube. Paula est en Slovaquie.
Je suis en Slovaquie pour une formation organisée par mon organisation. Je ne pense pas que j’aurais eu l’idée d’y venir pour d’autres raisons que professionnelles. Pourtant, je découvre que les 4/5ème du pays sont des montagnes, un terrain de jeu que j’affectionne particulièrement. A l’occasion d’une prochaine visite au siège, je pourrais bien prolonger mon séjour pour m’en aller taquiner quelques cimes. Mais Bratislava n’est pas en montagne même si la côte pour atteindre LE château est raide. J’ai vu souffrir quelques touristes ce matin d’autant plus que beaucoup d’entre eux sont des retraités en croisière fluviale. Le château est un château et je n’ai pas eu l’envie de le visiter. J’avais décidé d’arriver un jour avant la formation pour jouer la touriste mais je suis restée en extérieur. C’était tellement bon de pouvoir marcher, anonyme et tranquille. Je n’étais pas la blanche, je n’étais pas un porte-monnaie ambulant.
Sur l’esplanade du château des statues couronnant les arches d’entrée ont éveillé ma curiosité : des soldats sans tête ou des semblants de bustes de couture coiffés de casques, comme pour souligner que dans la guerre, les individus ne sont rien. On est loin de la symbolique soviétique avec son fier métallurgiste, le regard braqué vers le lendemain qui chante. Les minorités de l’Empire marxiste appréciaient d’ailleurs diversement ces travailleuses et travailleurs de pierre aux yeux jamais bridés, même au coeur de la Mongolie.
Bratislava s’étend sur les deux rives du Danube.
Rive gauche, la vieille ville avec son château en contre-haut et ses « foultitudes » d’églises, ses rues et ses venelles entremêlées, ses magasins de souvenirs et des bars, des bars et des bars.
Rive droite que j’ai longée en arrivant depuis Vienne, des barres, des barres et des barres.
Ces barres d’immeubles construits, eux aussi, pour les travailleurs.
J’exagère, la marque soviétique s’inscrit aussi dans la rive gauche sous forme d’une place immense et désolée bordée d’universités à l’architecture déprimante. Il doit y avoir d’autres vestiges puisque dans la légende de mon plan de ville est proposé en vert kaki, le « circuit communiste », à l’instar du « circuit des églises », tracé en bleu. Seulement à bien regarder le plan qui ne couvre que la rive gauche, je ne trouve pas ce tour, comme si l’éditeur avait renoncé au dernier moment à le proposer aux touristes. A moins qu’il ne soit hors cadre, sur l’autre rive, la prolétaire.
Ce soir après notre dur labeur d’apprenants, nous, les Tovarich, sommes sortis écumer quelques bars pour écluser quelques bières et c’était bon. Nous sommes un groupe très hétéroclite d’Estoniens, Polonais, Hongrois, Slovaques et Tchèques avec pour pimenter une Catalane, une Chilienne et une Française et c’est gai. Nous sommes une majorité écrasante de femmes. L’humanitaire relève de la notion de sollicitude, du care et « serait dévolu » aux femmes, ou bien sont-ce les faibles salaires qui rebutent les hommes ? Ou le hasard seul est-il en cause ?
Parmi ces femmes, comme parmi celles que je croise dans les rues, peu sont du type slave ou de la représentation que j’en ai. Ouf ! Je ne suis pas dans un pays formaté. Vive la diversité !
Je pensais terminer là cette chronique. Mais je viens de passer un moment avec mes collègues à discuter de notre travail, chacune dans des problématiques et des espaces géographiques différents. Nous avons commencé par un bavardage joyeux à nous raconter la crise de malaria de l’une, les 12h de voyage d’une autre dans une voiture non climatisée, au Tchad. Puis le ton a changé, les propos sont devenus plus graves. Une collègue nous a raconté toutes ses frustrations des derniers mois, son impuissance face au calvaire des réfugiés syriens dans divers sites d’Europe de l’Est. Elle y était en mission d’exploration pour y ouvrir des programmes d’assistance médicale. C’est à pleurer de rage ! Et de honte !
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