
Difficile à gérer cette incertitude de la date de départ ou de la destination. Les semaines aux Seychelles ont filé, au départ joyeusement, puis de plus en plus laborieusement. Si tout n’est pas définitivement calé pour les mois à venir, nous sommes assurément en route vers les Comores.
Nous en avons pris notre parti, même si certains jours sont plus pénibles que d’autres, nous ne savons pas. Nous ne savons jamais quand nous partons, nous ne savons pas si nous pourrons aller où nous le souhaitons, nous ne savons pas combien de temps nous y resterons. Les raisons de cette incertitude sont multiples, elles sont liées au bateau en priorité, et à tous les problèmes qui y sont inhérents, parce que nous en avons connu d’autres. Une baume à soulager et ce sont des travaux de couture. Pas de la petite couture comme à la maison avec une machine! Oh que non. A la main avec un fil spécial, comme paraffiné, une aiguille moyennement longue et épaisse et de l’huile de coude. Ou de doigts plutôt. Enfin un ustensile dans le creux de la main pour pousser le tout avec efficacité. Un travail titanesque. C’est le cap’tain qui s’y est collée. Des joints d’étanchéité de-ci de-là à refaire, c’est mon boulot; le nettoyage complet intérieur extérieur du bateau, c’est pour Aline et Sophie. On revoit ici la tension du génois, là, on graisse, on protège, on consolide…
L’autre incertitude est celle de la météo. Nous devions partir mercredi dernier destination les Comores. Des vents de trente à 35 noeuds nous ont refroidis. Avancer oui, avancer vite re-oui, s’en prendre plein la tête avec une gîte de folie, non. Nous avons donc repris la météo tous les jours, comme en navigation, afin de voir l’évolution de la situation sur notre route. La météo à trois jours c’est bien mais rarement fiable. La prendre à cinq jours, c’est vraiment pour le plaisir, cela ne sert à rien. Et cette météo est importante au cas où nous voudrions nous arrêter en chemin entre les Seychelles et les Comores.
La troisième, est liée à la décision des autres bateaux. Nous n’avions pas celle-ci auparavant, puisque nous voyagions en solo. Il faut dire que nos destinations ne prêtaient pas au moindre problème. Non pas que celle des Comores le soient, mais l’union fait la force. Il faut comprendre qu’arriver dans un pays par les airs, aussi agaçantes que soient les formalités, elles sont relativement rapides. Arriver par la mer, c’est une autre paire de manches. Elles sont extrêmement longues, les papiers sans fin, les questions très nombreuses, la suspicion des autorités non négligeable. Immigration, douanes, santé, tous les corps ont leur paperasse et les documents à fournir en minimum quatre exemplaires. Aux Seychelles c’était en dix! La sortie du pays, rebelote. On ne part pas d’une minute à l’autre, c’est la tournée des administrations trois jours avant le départ. Et nous sommes quatre femmes… C’est aussi pour cela aussi que, dans certains pays, le fait d’arriver à plusieurs est confortable. Enfin, dans notre convoi nous sommes les seuls francophones, les autres comptent sur nous. Un échange de bons procédés.

Cette incertitude, il a fallu la refouler, mieux encore, la surmonter, c’est pourquoi retrouver la mer, les traversées, le rythme de vie si différent et si calé nous fait un bien fou. Les quarts de quatre heures, suivis d’autant de sommeil, les yeux bouffis au réveil, l’envie de café, même froid ou de thé, chaud, avec quelques canistrelli confectionnés de main de maître par Aline. Ces petits plaisirs qui nous font du bien. Et on oublie vite qu’on n’aime pas être salées, qu’on ne se fait plus de bons petits plats savourés toutes ensemble, que l’alcool reste dans les cales. Nous sommes toutes tendues dans la même direction, celle de la prochaine terre que nous aimerions finalement un peu plus loin. Pénibles les filles ? Non, juste des aventurières fières de l’être, à la recherche d’un vrai terrain de jeu.
Bonus video!
La traversée vers Chagos.
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