Notre histoire, nos préoccupations de route à suivre, de génois à affaler, de coulisseaux à changer, le reste du monde devient lointain sans internet. Et puis, à la faveur d’une improbable connexion parce que la terre est proche et qu’un relais crache un faible débit, nous apprenons au milieu de la nuit les attentats de Paris. Consternation et inquiétude pour les nôtres se disputent.
Nous l’avons déjà dit, Internet n’est pas disponible à bord en consultation classique, nous n’utilisons le satellite que pour l’envoi de mails et la réception de la météo lorsque nous sommes en mer. Nous sommes donc coupées du monde. Parfois, la proximité d’une terre permet une connexion classique mais aléatoire, nous en profitons pour prendre ou recevoir des nouvelles de nos proches, mais pas pour surfer, le débit nous l’interdit. En version html, il nous arrive de récupérer des mails.
Dans la nuit de samedi à dimanche, alors qu’Aline consultait ses mails avant de se coucher, elle nous a traduit rapidement un message qu’elle venait de recevoir de Diane une camarade canadienne anglophone, qui voyage au long cours en famille sur Ceilydh : des attentats avaient eu lieu à Paris vendredi soir, le nombre de morts était effarant.
Branlebas de combat à bord, le coeur battant. Nous voulons en savoir plus, mais nous sommes coincées par ces connexions. Ordinateur, téléphone, tablette, clef 3G, tout est mis en batterie, nous cherchons la meilleure connexion possible, les bras en l’air, sur la bôme. Sans la nuit, le vent et le roulis, nous serions même montées en haut du mât afin de gagner un peu de signal.
Finalement, en version dégradée, j’arrive à capter mes mails, il y en a deux, un de Bill, notre solitaire américain de Solstice, actuellement à Durban, qui nous a envoyé le premier flash de la BBC datant de la nuit de vendredi à samedi, nous commençons à en savoir un peu plus. Il y a aussi celui de Michelle, à bord de Momo, le bateau est à Hell ville à Nosy Be, pas de réels détails mais elle m’a identifiée dans une publication Facebook avec comme message un simple #JeSuisParis. Rien de plus. Rien. Et ça me rend un peu dingue. À Paris, il y a ma famille, mes amis, nombreux sont ceux qui pouvaient être au Bataclan (tu n’y étais pas bien sûr mon vieil ami?) d’autres, journalistes sportifs, pouvaient être au Stade de France, qui dit que les derniers n’étaient pas dans un restaurant, un café attaqué ?
Cet éloignement est frustrant, cette semi connexion déstabilisante. Parce que l’on sait, sans savoir, ce qui ouvre la porte à toutes les interprétations, on a des chiffres, des informations parcellaires avec pour ainsi dire aucun moyen, surtout au milieu de la nuit de joindre les nôtres, d’entendre leur voix, de se rassurer.
Mon jeune frère doit dormir sur ses mails auprès de son épouse et de leur petite merveille, c’est ce que je pense, ce que je veux imaginer. Mon frère aîné de même et toute sa famille à l’unisson. Il ne peut en être autrement, c’est certain.
J’essaie de lancer quelques bouteilles à la mer, les SMS ne passent pas d’ici, des Mitsio, Bill de Durban servira de relais. Il nous est d’autant plus précieux puisqu’avant de partir nous avions vu une dépression en formation au nord est de Madagascar susceptible de nous concerner. Même topo que pour les infos, impossible de charger une photo satellite qui nous donnerait une idée de son évolution au fil des heures. Nous lui avons envoyé notre position, il suivra pour nous, il sera nos yeux. En attendant de reprendre le rythme et de charger nos « Grib par sat » (fichiers météo nous donnant sens et force des vents généralement fiables sur 48h). C’est capital pour nous. Ce n’est rien par rapport à ce qui se passe chez nous.
J’ai l’impression de vivre dans un monde où les repères ne sont plus les bons. Où l’intelligence pourrait ne pas triompher. Absurde. Oui.
Dégoûtée…
Dans la nuit de samedi à dimanche, alors qu’Aline consultait ses mails avant de se coucher, elle nous a traduit rapidement un message qu’elle venait de recevoir de Diane une camarade canadienne anglophone, qui voyage au long cours en famille sur Ceilydh : des attentats avaient eu lieu à Paris vendredi soir, le nombre de morts était effarant.
Branlebas de combat à bord, le coeur battant. Nous voulons en savoir plus, mais nous sommes coincées par ces connexions. Ordinateur, téléphone, tablette, clef 3G, tout est mis en batterie, nous cherchons la meilleure connexion possible, les bras en l’air, sur la bôme. Sans la nuit, le vent et le roulis, nous serions même montées en haut du mât afin de gagner un peu de signal.
Finalement, en version dégradée, j’arrive à capter mes mails, il y en a deux, un de Bill, notre solitaire américain de Solstice, actuellement à Durban, qui nous a envoyé le premier flash de la BBC datant de la nuit de vendredi à samedi, nous commençons à en savoir un peu plus. Il y a aussi celui de Michelle, à bord de Momo, le bateau est à Hell ville à Nosy Be, pas de réels détails mais elle m’a identifiée dans une publication Facebook avec comme message un simple #JeSuisParis. Rien de plus. Rien. Et ça me rend un peu dingue. À Paris, il y a ma famille, mes amis, nombreux sont ceux qui pouvaient être au Bataclan (tu n’y étais pas bien sûr mon vieil ami?) d’autres, journalistes sportifs, pouvaient être au Stade de France, qui dit que les derniers n’étaient pas dans un restaurant, un café attaqué ?
Cet éloignement est frustrant, cette semi connexion déstabilisante. Parce que l’on sait, sans savoir, ce qui ouvre la porte à toutes les interprétations, on a des chiffres, des informations parcellaires avec pour ainsi dire aucun moyen, surtout au milieu de la nuit de joindre les nôtres, d’entendre leur voix, de se rassurer.
Mon jeune frère doit dormir sur ses mails auprès de son épouse et de leur petite merveille, c’est ce que je pense, ce que je veux imaginer. Mon frère aîné de même et toute sa famille à l’unisson. Il ne peut en être autrement, c’est certain.
J’essaie de lancer quelques bouteilles à la mer, les SMS ne passent pas d’ici, des Mitsio, Bill de Durban servira de relais. Il nous est d’autant plus précieux puisqu’avant de partir nous avions vu une dépression en formation au nord est de Madagascar susceptible de nous concerner. Même topo que pour les infos, impossible de charger une photo satellite qui nous donnerait une idée de son évolution au fil des heures. Nous lui avons envoyé notre position, il suivra pour nous, il sera nos yeux. En attendant de reprendre le rythme et de charger nos « Grib par sat » (fichiers météo nous donnant sens et force des vents généralement fiables sur 48h). C’est capital pour nous. Ce n’est rien par rapport à ce qui se passe chez nous.
J’ai l’impression de vivre dans un monde où les repères ne sont plus les bons. Où l’intelligence pourrait ne pas triompher. Absurde. Oui.
Dégoûtée…
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