Le Laboratoire de Lumière. Semaine 51. « La ville matière ».
Je rêve de la ville matière.
Je ne tiens pas en place, et pourtant j’accumule de l’électricité statique… De retour à Paris depuis trois jours Je n’ai plus de repère! Un billet de train en poche pour le Luxembourg… J’ai déjà ressenti ça.
Après je ne sais pas… J’ai bien d’autres projets. Celui de me poser quelque part, de me trouver un toit. Avant ça, j’irai quelque part… Là, où j’allais réfugier mon corps et reposer mes yeux entre deux reportages, là où je n’ai jamais fait d’images. J’y allais pour elle, pour nos corps à corps, et nos engueulades interminables. J’y allais pour toi, parce que tu es belle en toute saison et pour mille autres raisons. Parce que tu es toujours là. Je vais venir te voir comme la première fois… C’était un mois de septembre.
Tu es la ville matière. Celle qui laisse le temps au temps. Là où je pourrais me reposer un instant. Je sais que toi, tu me laisseras te regarder. Cette fois je prendrai le temps, je ne viendrai pas en amant. Te photographier, je ne l’ai jamais fait… je n’ai pas osé. Tu n’es pas comme les autres villes. Tu n’es pas fière de tes buildings. Ta richesse est intérieure, tu te fais désirer autrement… Je connais tes murmures, tes odeurs, tes clameurs… Je t’ai t’observée, écoutée, respirée… Je suis venu te voir pendant un an, tous les mois, durant quelques jours. J’ai marché dans tes rues pour te découvrir. J’ai parcouru tes alentours pour mieux te situer. Chaque départ était un adieu. Lorsque je me rendais en Toscane, je ne savais plus si c’était pour toi ou pour l’autre. Toi, tu n’étais pas jalouse… Tu savais que je te reviendrais. Le temps n’a pas d’emprise sur toi. Je ne sais pas quelle image je ferai de toi. Je sais que l’on aperçoit le ciel aux croisements de tes ruelles. Je sais que l’on voit la montagne quand on traverse le fleuve. Tu es entière dans tes moindres détails. Je sais me déplacer à l’intérieur de toi. Je connais les endroits où me placer pour mieux te regarder. Je connais la fraîcheur de tes parcs, j’en connais aussi les ombres et la chaleur. Je sais que le vent caresse les joues de celui qui se pose au bord de l’Arno, que les ponts font changer les visages et apparaître des sourires. À la terrasse d’un café imaginaire, je rêve de ta douceur, je me souviens de tes couleurs. Plus que quelques mois et je serai à toi.
Tu n’es pas lisse et glaciale, comme ces « villes façades » où mon regard n’accroche pas. Chez toi chaque détail retient l’attention au point de faire oublier le temps. Tu seras la même quand je reviendrai. Pardon c’est moi qui ai changé. Tes rides me rendent jaloux de ce que te fait le temps. Une fissure dans un mur ressemble à une ligne de la main et raconte un destin.Tu es de plus en plus belle. Je vais venir te voir, il n’y a que toi, qui a laissé ces traces en moi.
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