Le Laboratoire de Lumière. Semaine 50. Ce sera une larme de plaisir
S’il y a une larme, entre deux soupirs, se sera du plaisir.
Je suis près de lui, c’était prévu. Il va bientôt livrer ses secrets aux regards. Dans quelques semaines, il sera à découvert. Je le serai aussi. C’est ainsi. Je vais comme lui montrer mes entrailles. Il me reste encore un peu de temps pour aboutir. Ce ne sera pas une fin, ce n’est que le début.
Je suis plus exactement, dans la chambre de mon grand-père. Celui qui travaillait le bois, la matière. Celui qui n’a pas fait la guerre… Enfermé, il a dû avoir des envies de liberté. Je suis comme lui, je n’aime pas être prisonnier. Je n’aime pas la guerre et pourtant j’ai « commis des attentats », des suicides et des petites morts à répétition, histoire de voir comment ça fait. Je me souviens de lui comme si c’était hier. Une odeur de cigarette, une main sur mon épaule. Avec un bout de bois, il fabriquait tout. D’un clin d’œil il effaçait toutes mes peines.
Sous ses doigts naissaient des objets que je regarde et que je touche encore. Une table, une chaise. C’est là que je suis aujourd’hui… C’est tout ce qu’il me faut. En souvenir, son sourire et le secret de la matière. Si je regarde en arrière, c’est pour aller de l’avant. J’ai failli tout arrêter un jour…! Je ne pouvais plus regarder mon passé. C’était avant l’étincelle. Celle qui existe dans le regard de l’autre. Je vivais sans matière, sans souvenirs, j’étais perdu. Nu dans une pièce glaciale, la pièce des regrets et des incertitudes, attaché à des regrets, ligoté à des histoires que l’on me racontait. À force de regards par dessus mon épaule, je ne voyais plus les autres. J’avais perdu mes repères. J’ai effacé des souvenirs, détruit des images que j’avais créées. J’ai enfoui dans des brumes paradisiaques l’ensemble de mes souvenirs. Je voulais être moi, sans souvenir, sans passé, sans bague au doigt. Je voulais devenir animal, instinctif. J’ai failli en mourir, je n’avais plus de souvenirs. Mes doigts ne touchaient plus rien, mes yeux ne voyaient plus les traces de mes vies antérieures, je n’existais plus. Ce n’était pas très élégant pour un vivant. Je fabriquais des images, pour des gens que je ne connaissais pas! Au fond de moi, je ne rêvais que d’une cabane en bois et de tranquillité. Je n’aime pas que l’on me voit, je suis sans toit. J’ai maintenant des souvenirs, dans cette pièce faite uniquement de bois. Je savais que je viendrais là, prés de ce lac qui se vide et qui va montrer ses histoires. Je suis lié à lui, je vais raconter les miennes. Je sais maintenant que je vais aller chercher la profondeur d’un regard, d’une pensée, d’un souvenir ou d’un sourire. S’il y a une larme, entre deux soupirs, se sera donc du plaisir.
C’est l’étincelle de la nostalgie que je vais aller chercher dans le regard de l’autre. Pas celle qui fait couler les larmes. Celle qui fait regarder à l’intérieur de soi et qui signale que l’on existe à travers nos souvenirs.
LLL. Semaine 50
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