« Tremblements » de Jayro Bustamante: homogénéisation en force 🎬
Il n’y a pas que la terre qui tremble au Guatemala… Les fondements de sa société sont également fragiles, entre culture, traditions et nouveaux modernismes.
On ne sait pas précisément ce qu’a été sa vie avant, on découvre Pablo, 40 ans, un bourgeois bien mis, marié et père de deux jeunes enfants, catholique, conseiller respecté dans une agence de crédit. Le film s’ouvre alors qu’il rentre chez lui. Père, mère, frères et sœurs l’ont précédé pour un conseil de famille. L’ambiance est noire, comme après un décès. Mais le drame est autre: on a découvert que Pablo a une relation extra-conjugale, qui plus est homosexuelle avec Francisco. L’intrus est de condition sociale plus modeste, masseur dans un centre de remise en forme. Certains pleurent, d’autres agressent, tous dans la même intention: préserver la famille et surtout sa réputation. Plongée dans l’horreur, on implore le fautif de suivre un traitement pour « guérir ».
Se sentant doublement outragée, Isa, la belle épouse saisit un juge qui interdit à Pablo de voir ses enfants qui sont tout pour lui, c’est d’eux dont il se préoccupe d’abord quand la terre tremble. Pourtant, sûr de son choix et de son amour pour Francisco, il déménage et s’efforce de s’habituer de la sphère homo qu’il ne connaissait pas et de ses usages plus cash que dans le monde policé qui l’a élevé.
Religion et « valeurs »
La religion étant centrale, les uns et les autres vont y chercher conseil et réconfort dans une église tendance évangéliste où la prière n’est pas loin d’une forme de transe collective. Viré de son agence qui ne transige pas avec les « valeurs », Pablo y cherche lui aussi secours et un nouvel emploi. Faudra-t-il une solution plus « technique » que divine pour résoudre la crise? C’est la négation et l’obscurantisme qui l’emportera dans un impossible compromis, pour sauver les apparences et la norme. Pas les âmes.
Sobriété
Après son magnifique « Ixcanul » (2015) qui investiguait la dictature des traditions dans la société rurale guatémaltèque, Jayro Bustamante interroge de la même belle façon les blocages, aussi, du monde urbain qui choisit ses modernismes en tremblant, privilégiant majoritairement le paraître à l’être. Ici comme ailleurs, une religion customisée fait office de communion forcée. Le réalisateur guatémaltèque suggère sobrement, loin de toute caricature, dans une excellence de mise en scène, d’image et d’interprétation Ce n’est pas tant la difficulté d’être homo au Guatemala qu’il stigmatise que, bien plus, la pression des tenants d’un conservatisme frileux qui tentent désespérément de résister aux tremblements d’un monde qui bouge. Là-bas, comme ici comme ailleurs.
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