« Passion » de Ryûsuke Hamaguchi: l’empire des sens 🎬

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Fragilité de l’amour face aux vertiges du désir. Un premier long-métrage, qui déjà révèle les ferments de l’art d’un grand cinéaste. Fascinant.

C’est son anniversaire, Kaho a 29 ans. Pour fêter l’événement, ses amis l’ont invitée au restaurant avec son fiancé Tomoya.  Il y a Takeshi et sa femme qui attendent un premier enfant, Kenichiro aussi et ses airs étranges. Kaho est une jeune femme à la beauté discrète, si discrète elle-même qu’on pourrait la prendre pour une oie blanche, ce que n’imagineraient pourtant pas ses élèves de sa classe de mathématiques qui connaissent et se méfient de son tempérament.
Le dîner se termine, non sans que Kaho ait timidement annoncé son prochain mariage avec Tomoya. Les femmes rentrent chez elles, les hommes partent boire une bière chez Takako dont on apprend que c’est l’amante de Kenichiro. Arrive la tante de Takako, écrivaine fantasque, et quand celle-ci se met à draguer ouvertement Takeshi (le futur père) qui n’y voit pas d’inconvénients, on comprend que les affaires amoureuses ne sont pas aussi simples qu’exposées au cours du dîner d’anniversaire. Les ambiguïtés se révèlent autant que les triangles libertins et gourmands. Un formidable jeu de la vérité exacerbera les rivalités enfouies. Et on ne divulgâche rien en annonçant que, dans les toutes dernières minutes du film, c’est Kaho qui, après un moment de doute splendidement imaginé et mis en scène, se montrera, dans une ingénuité désarmante, la plus infiniment pertinente dans ce petit tsunami choral des troubles de l’amour.

Corps et âmes

Passion est le premier long-métrage de Ryûsuke Hamaguchi, réalisé en 2008, bien avant son fulgurant Senses (2015). 29 ans à l’époque, il y montre déjà son talent de discret sondeur cinématographique des êtres et des âmes. Et cette âme japonaise plus opaque encore à notre œil nu occidental, masquée par un protocole qu’on ne sait déchiffrer. Pourtant, ce que nous dit Hamaguchi c’est que, en tout cas en matière d’amours et de désirs, nous sommes tous semblables. Dans nos élans, nos ambiguïtés, nos infidélités, voire nos lâchetés. Quelle élégance, quel talent dans cette introspection des âmes gâtées par les pulsions du corps.
Avec Ryûsuke Hamaguchi Bergman et Rohmer, Cassavetes aussi, ont une séduisante descendance japonaise.

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