Une famille tranquille comme cadre d’un thriller critique et une symphonie en dette majeure.
C’est une visite qui met le feu aux poudres qui jusque là avaient fait long feu. Un matin, l’étrange Yasaka se présente à l’atelier. Toshio l’accueille avec un empressement exagéré, surtout gêné, visiblement ils se connaissent bien. L’homme sort de prison, son « ami » lui offre travail et gîte, il y a de la dette dans l’air. D’abord décontenancée par tant de générosité soudaine, Akié se rapproche de cet homme inquiétant qui lui explique qu’il a pris 10 ans pour un meurtre, qu’il justifie: crime d’honneur. La jeune femme ne s’en offusque pas tant, puisqu’elle tombe en secret dans les bras de l’inconnu, pourvu qu’il n’aille pas trop loin. L’explosion est à venir, le compte à rebours est lancé, il y aura des victimes, il y avait bien une dette. Toshio en expliquera les détails à sa femme, 8 ans plus tard alors que les dès ont été tragiquement jetés, il le fera en se coupant les ongles des pieds…
Pour moi, la famille est une absurdité. L’être humain, qui est une entité individuelle, fait une rencontre, se met en couple, devient parent, a des enfants et engage comme si de rien n’était une vie en commun. Mais à bien y réfléchir c’est très étrange. Pourquoi vivre avec d’autres?
Kôji Fukada
Les propos du réalisateur sont clairs, il est en colère, son film l’est tout autant. La subtilité des détails du scénario (à découvrir) alimente efficacement la radicalité du propos qui ne plaira pas à La Manif Pour Tous (LMPT). Il n’y pas que les secrets et les non-dits et les refoulements qui peuvent détruire une famille, il y a aussi l’usure du quotidien, Fukada pensant que l’obligation sociale de fonder un foyer est en elle-même fatale. Au passage le jeune réalisateur étrille l’obséquiosité japonaise qui débouche parfois sur une violence barbare.
« Harmonium » est aussi une variation sur la vengeance. Elle se mange froid, dit-on, en effet même après ces 10 ans qui l’ont exacerbée. Elle est ici terrible: tout couleurs, le film est cliniquement noir, essentiellement en plans fixes, témoins de la dissolution dramatique. Si on regrette un aboutissement hésitant et finalement inachevé, on recommande un film habité de comédiens parfaitement convaincants qui n’a pas volé son Prix du jury de la sélection Un certain regard du Festival de Cannes 2016.
Harmonium – Kôji FUKADA (Japon) – 1h58
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