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Les deux films n’ont rien à voir, bonheur de la variété cinématographique! « Saint Laurent » de Bertrand Bonello, une variation à bonne distance artistique sur un mythe de la haute couture, ici beaucoup plus multiple et ambigu que sa notice officielle et consensuelle. « Refroidis », un polar glaciaire ou comment un conducteur de chasse-neiges devient un tueur. Il ne s’habille pas chez Saint Laurent.
Saint Laurent – Bertrand BONELLO (France) – 2h25
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1967. Le couturier est en pleine ascension, juste après l’invention du smoking pour femme et sa fameuse robe Mondrian. La société s’ouvre à la décennie prodigieuse de la libération, de toutes les libérations, toutes les audaces. Saint Laurent n’est pas un génie du hasard, c’est un homme qui accompagne son temps dans sa création comme dans sa vie, jusqu’à 1976, dix années qui font le corps du film de Bonello qui n’a donc rien à voir avec un biopic simplement flatteur. Ce qui intéresse le cinéaste c’est d’en faire un personnage romanesque. De le mettre à distance de son envie artistique.
Voici donc un homme chroniquement dépressif, socialement dans l’obligation de l’époque de travestir son homosexualité, le timide à lunettes est un doux tyran des équipes de sa maison, un grand fêtard de la nuit entouré de ses muses féminines, addict à toutes les drogues, le travail comme l’alcool, les somnifères et les stupéfiants, sexuellement vorace, y compris dans les situations les plus crues, fourrés nocturnes ou pissotières. Un homme prisonnier de ses sens qui imaginera tout lâcher pour une relation fiévreuse avec le richissime mais toxique dandy Jacques de Bascher.
On ignore ce qu’en diront les biographes -Pierre Bergé, c’est un euphémisme, n’a pas soutenu le projet…- et on s’en fout, on est au cinéma. Du très bon cinéma.
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Un casting impeccable
Pour incarner cette complexité, il fallait un très grand comédien, c’est Gaspard Ulliel. Il épate par son invention et la construction d’un personnage multiple, effacé autant qu’extravagant, voix fluette et postures empruntées autant que gros mots et audace des provocations.
C’était pas facile non plus d’incarner le Pierre Bergé de Bonello, l’amant mais aussi le cupide qui n’oublie pas de développer et sauvegarder la richesse qu’engendre son protégé: c’est Jérémie Renier qui fait le job, il est détestablement convaincant. On aime bien aussi -pour une fois- Louis Garrel, infernal de Bascher, morbide et mortifère, mais aussi Amira Casar, Aymeline Valade et même Léa Seydoux. Last but not least, formidable et tragique Helmut Berger, imaginant un Saint Laurent vieillissant, seul avec ses souvenirs et sa collection d’œuvres d’art, une ombre plus viscontienne que jamais, prince déchu demandant à son coiffeur de lui teindre les cheveux, à « la couleur de Johnny... »
Saint Laurent par Bonello écrit une décadence d’hier, c’est un film d’aujourd’hui.
Juste une bande-annonce, plutôt fidèle à l’esprit du film.
Et qui permet d’entendre la légendaire reprise de « I put a spell on you » par Creedence Clearwater Revival.
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Refroidis – Hans Petter MOLAND (Norvège) – 1h56
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On aime la précision de la caractérisation des personnages et leur interpértation. Stellan Skarsgard, bien sûr, vieux et juste routier du cinéma nordique, mais on découvre Pal Sverre Hagen en jeune mafieux maniaque aux narines repues, il vaut à lui seul le voyage au cinéma du coin. Quant à Bruno Ganz il est formidablement méconnaissable en cynique chef de gang fatigué mais intraitable.
Hans Petter Moland, et son humour noir mais givré, parodie le genre, « Reroidis » est une farce policière dans ce style nordique qui s’impose, à la suite de son pionnier Aki Kaurismaki.
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