Salman Rushdie, aux pays des jinns et des jinnias
Ce onzième roman de Salman Rhusdie s’inspire de la tradition du conte et met en scène un monde envahi par des jinns obscurs mentionnés dans le Coran. Une fable jubilatoire que chacun sera libre de lire ou pas à l’aune de l’histoire récente.
Dans une ville française, les habitants commencèrent à se transformer en rhinocéros. De vieux Irlandais se mirent à vivre dans des poubelles. Un Belge se regarda dans le miroir et y vit reflété l’arrière de son crâne. Un officier russe perdit son nez et le vit qui se promenait tout seul dans Saint-Pétersbourg. Un étroit nuage fendit la pleine lune et une Espagnole qui regardait le spectacle éprouva une douleur aiguë, comme si une lame de rasoir fendait son œil par la moitié et que l’humeur vitreuse, la matière gélatineuse qui comble l’espace entre la lentille et la rétine, se déversait à l’extérieur. Des fourmis sortirent d’un trou dans la paume d’une main humaine.
Aussi Dunia, soucieuse de sa descendance, prit-elle le parti de revenir sur terre se mêler du sort des humains.
Puisant aux sources du conte, le onzième roman de Salman Rushdie, à la fois fable historique et d’anticipation, regorge d’histoires enchâssées témoignant d’une maîtrise époustouflante du récit. Si Schéhérazade était une jinnia et avait de fait la capacité de se réincarner en humain, on serait en droit de se demander si elle n’aurait pas élu domicile en la personne de l’écrivain anglo-indien. Une différence subsiste pourtant entre ces deux conteurs hors pair. Schéhérazade inventait des histoires pour rester en vie. L’auteur des Versets sataniques, depuis la fatwa dont il fut l’objet il y a vingt sept ans, tente de rester en vie et continue de raconter des histoires. Pour le plus grand bonheur de tout ses lecteurs.
Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits – Salman RUSHDIE – Actes Sud – 320 pages
Les lectures d’Alexandra
La critique Littéraire desmotsdeminuit.fr
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