Les Carnets d’ailleurs de Marco et Paula # 52: donnez leur donc des jeux!
Paula n’aime pas le foot, mais vivre en Afrique sans se tenir un minimum informé des équipes, de leurs stars et leurs prouesses est un manque certain de savoir-vivre.
Paula n’aime pas les manipulations politiciennes, mais vivre en Afrique sans se tenir un minimum informé des partis, de leurs stars et leurs promesses est un risque certain de savoir-mourir.
Les Léopards ont gagné !
Pendant les 40 premières minutes du match, la ville était silencieuse sinon pour le crachotement de la radio du gardien au bas de l’immeuble, lequel avait dû perdre aux dés son tour de garde, à moins qu’il ne l’eût monnayé. Soudain, une explosion de joie et immédiatement les klaxons retentirent, à croire que les conducteurs aussi suivaient le match à la radio. J’ai toujours eu la plus vive admiration pour les journalistes sportifs capables de vous faire vivre un match sans le support de l’image. Messieurs les commentateurs, chapeau ! Vos propos m’indiffèrent, c’est certain, mais votre virtuosité langagière m’impressionne.
En seconde mi-temps, le Congo marqua deux autres buts ; c’en était fini pour le Mali. Que la fête commence ! Elle dura toute la nuit. Pour trouver leurs lieux de réjouissance, les Kinois ont sillonné la ville donnant lieu à voir des grappes parcourant les rues au pas de course, mues, une fois n’est pas coutume, par un profond sentiment national. C’est beau. A défaut de pain, donnez leur des jeux. Et je soupçonne qu’à la fierté s’ajoutait la satisfaction d’avoir été si brillants dans le pays hôte de la coupe, le Rwanda, dont les habitants aiment se croire bien plus malins que leurs voisins du Congo.
Le lendemain la ville attendait le retour de ses héros. Las, les autorités décidèrent de maîtriser la liesse et le bus victorieux traversa la ville à vive allure, snobant les foules massées le long du parcours. La frustration était vive. Et les râleurs râlaient, ce qui gâchait quelque peu la félicité du président d’avoir offert au peuple un tel moment de liesse.
Aussi, le jour d’après, une glorieuse procession parcourut les 24 communes de Kinshasa, pour finir au stade où était donné un concert géant. Je n’en sais pas plus. Avec mes collègues, je me suis précipitée dehors quand j’ai entendu aboyer la caravane, mais les trois couloirs qui nous séparaient de la route nous furent fatals : nous n’avons rien vu.
Mardi 16 février 2016, cette date remplit de crainte les Kinois.
Depuis un mois, journaux et agences diverses de sécurité nous prédisent une journée mouvementée le 16 février.
Depuis plus de vingt ans, ce sont les chrétiens qui manifestent ce jour-là en commémoration d’une marche pacifiste violemment réprimée en 1992 par le régime de Mobutu (l’opposition exigeait alors la reprise de la « Conférence nationale », interrompue brutalement par le pouvoir alors que s’amorçait enfin un changement politique). Depuis, cette journée est devenue le symbole de l’opposition congolaise.
En cette période où le président tente de rester au pouvoir au terme de ses deux mandats, en dépit de la constitution qui le lui interdit (« cochon qui s’en dédit! »), cette commémoration risque de devenir protestation. L’Eglise catholique a décidé d’en annuler l’organisation, courant janvier.
Je pensais que le 16 redevenait une journée banale jusqu’à ce que j’apprenne qu’elle reste sous tension. La semaine passée, l’expression « ville morte » est apparue dans la presse.
J’écris cette rubrique à deux jours de la date qui prend des airs de plus en plus fatidique, et je ne sais toujours pas quoi faire avec l’équipe du projet, même s’il est certain que personne n’ira ce jour-là sur le terrain : leur dire de rester chez eux, mais s’il ne se passe rien ? Laisser chacun décider s’il veut protester ou pas ? Mais comment distinguer les gens qui ne travaillent pas par choix de ceux qui n’ont pas eu le choix car les transports sont rares ou que le danger menace ? Et ceux qui veulent profiter d’un jour chômé cadeau ? Pour m’en débrouiller, j’ai décidé de consulter des personnes diverses : le chauffeur, un vieux sage, les collègues congolais, les services sécurité des ambassades, le vol des hirondelles, mais il est difficile de prédire.
Finalement, à l’instar d’écoles internationales et nationales, d’organisations diverses, j’ai appliqué le principe de précaution : personne ne viendra travailler.
Tout Nomad’s land.
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