À bord du « Shakespeare » #32. « Nous nous reverrons un jour quelque part… »
Ça y est. L’heure a sonné. Nous avons largué les amarres, jeté un dernier regard vers « l’Ile rouge » (qualificatif donné à Madagascar), salué les amis. Un déchirement. Ces amis, pour certains, voyagent avec nous depuis les Chagos. Ils poursuivent leur voyage. Le nôtre est celui du retour, il faut profiter, mais imaginer malgré tout ce qui nous attend.
Nous avons décidé de ne pas regarder en arrière. Ce n’est pas encore le moment. Un peu trop tôt. Surtout pas envie. La boule dans la gorge si elle n’est pas encore là ne va pas tarder à nouer ses premiers fils, à prendre forme, insidieusement, nous ne le savons que trop. Mais nous avons décidé d’en retarder le moment.
Nous reprenons pour quelques semaines encore notre vie de nomades sans contact avec le monde extérieur. Sans web. Nous laisserons la toile se tisser sans nous. Quelle importance? Nous l’avons déjà vécu au tout début de notre aventure avec appréhension, et avons rejoint les Maldives avec un sentiment de manque, vite assouvi par une consommation folle de Go.
Nous reprenons pour quelques semaines encore notre vie de nomades sans contact avec le monde extérieur. Sans web. Nous laisserons la toile se tisser sans nous. Quelle importance? Nous l’avons déjà vécu au tout début de notre aventure avec appréhension, et avons rejoint les Maldives avec un sentiment de manque, vite assouvi par une consommation folle de Go.
Cette fois, nous sommes heureuses de ce silence du monde, nous le retrouverons bien assez tôt, certainement en l’état dans lequel nous l’avons laissé, mais avec une autre vision de ce qu’il est vraiment et de la place que nous tiendrons dorénavant dans celui-ci. Nous sommes dans un état d’esprit assez ambivalent avec d’un côté l’absolue certitude que quelque chose à changé en nous et que d’un côté, nous ne voulons plus nous laisser happer par un quotidien usant, sur-informé, incitant à une folle consommation permanente de futilités pour ne pas dire d’inutilités; de l’autre nous avons une conscience aiguë de ce que le combat pourrait être perdu. D’avance? Il va donc falloir maintenant trouver un juste milieu.
Pas question, pour moi, de vivre au fin fond du Larzac (très joli le Larzac, ce n’est pas le débat), en élevant des chèvres (c’est mignon les chèvres, affectueux, mais peu causant tout de même), me chauffant au bois (oui mais quand on coupe un arbre on en plante dix, sacré boulot), éclairée au solaire (et comment on les recycle les panneaux une fois qu’ils sont en fin de vie?), avec eau courante… au puits (tant qu’il y en a). Je ne l’ai pas fait à vingt ans, ce n’est pas pour m’y mettre trente ans plus tard.
Du recul pour avancer
Il faut donc raisonner avec un peu plus de recul. Cette aventure est, en ce qui me concerne, la première maritime, mais pas le première. Des départs, et des retours, il y en a eu d’autres. C’est ce qui donne une idée assez précise des sentiments, des envies à venir. Mais, là aussi, du temps a passé, de l’expérience a été acquise, les ressentis ont évolué, se sont structurés, une vie s’est construite patiemment.
Il faut donc raisonner avec un peu plus de recul. Cette aventure est, en ce qui me concerne, la première maritime, mais pas le première. Des départs, et des retours, il y en a eu d’autres. C’est ce qui donne une idée assez précise des sentiments, des envies à venir. Mais, là aussi, du temps a passé, de l’expérience a été acquise, les ressentis ont évolué, se sont structurés, une vie s’est construite patiemment.
J’arrive à un âge où je sais ce qui me convient, ce dont je ne veux plus, ce qui est possible, ce qui sera plus difficile. Parce que rien n’est impossible et que tout peut arriver. Cela semble des paroles faciles, en l’air, attitude béatement positive, et pourtant, cela s’est révélé exact tant de fois. Ce sont ces fameux virages qu’il faut savoir aborder. Tant de phrases toutes faites et pourtant si justes si on prend le temps de se poser, d’y réfléchir.
Du recul il va en falloir, reprendre cette vie pas à pas, sans craintes ni excès de confiance. Comme une courte parenthèse de vie qui nous en a appris autant que la vie elle même. Un concentré. Où tout va plus vite. Où l’erreur si infime soit-elle se paie comptant. Où les sentiments s’étalent, parce qu’on ne vit pas impunément vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec les mêmes personnes sans comprendre qui elles sont, pourquoi elles sont ainsi et vers quoi elles se dirigent.
Du recul il va en falloir, reprendre cette vie pas à pas, sans craintes ni excès de confiance. Comme une courte parenthèse de vie qui nous en a appris autant que la vie elle même. Un concentré. Où tout va plus vite. Où l’erreur si infime soit-elle se paie comptant. Où les sentiments s’étalent, parce qu’on ne vit pas impunément vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec les mêmes personnes sans comprendre qui elles sont, pourquoi elles sont ainsi et vers quoi elles se dirigent.
Ou alors c’est qu’on n’a rien compris ni à soi ni aux autres. Et effectivement, il vaut mieux aller élever quelques chèvres, en s’éclairant au solaire, en puisant l’eau, se chauffant au bois.
Tout cela a-t-il finalement un sens? Etait-il utile d’aller aussi loin, aussi longtemps, en se faisant mal parfois? Sûrement. Je fais partie de ces gens qui ne se conçoivent vivants que dans le dépassement d’eux-mêmes, quelle que soit la forme que prend ce dépassement. Et il en est des dizaines différentes.
L’envie, là, à la seconde, serait d’accepter l’offre de nos amis Australiens de Utopia II, de tourner le dos au retour, de monter à leur bord et de partir vers Durban, retrouver notre solitaire américain, puis poursuivre le voyage sur Solstice, vers un ailleurs dont nous ne savons rien. La découverte c’est l’inconnu. L’inconnu nous va bien. Mais ils nous l’ont tous dit : « Nous nous reverrons un jour quelque part dans le monde« . D’accord.
Tout cela a-t-il finalement un sens? Etait-il utile d’aller aussi loin, aussi longtemps, en se faisant mal parfois? Sûrement. Je fais partie de ces gens qui ne se conçoivent vivants que dans le dépassement d’eux-mêmes, quelle que soit la forme que prend ce dépassement. Et il en est des dizaines différentes.
L’envie, là, à la seconde, serait d’accepter l’offre de nos amis Australiens de Utopia II, de tourner le dos au retour, de monter à leur bord et de partir vers Durban, retrouver notre solitaire américain, puis poursuivre le voyage sur Solstice, vers un ailleurs dont nous ne savons rien. La découverte c’est l’inconnu. L’inconnu nous va bien. Mais ils nous l’ont tous dit : « Nous nous reverrons un jour quelque part dans le monde« . D’accord.
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