« La terre qui penche »: la petite fille qui voulait lire et écrire
Lauréate du Goncourt des lycéens en 2011 pour « Du domaine des murmures », Carole Martinez garde intact son pouvoir d’enchantement.
Ouvrir le dernier roman de Carole Martinez expose le lecteur à un risque: celui de ne pouvoir le refermer avant d’avoir atteint la dernière page alors qu’il en connaît pourtant la fin. Son héroïne Blanche est une enfant aux cheveux rouges et au caractère en acier trempé qui parle dans son sommeil et révèle d’étranges pensées. Sa mère ayant été emportée par le grand Mal, l’enfant fut élevée par sa nourrice qui pour la réchauffer prit l’habitude de la faire dormir dans un four. Lorsque l’enfant eut atteint sa onzième et dernière année, son père, un rustre avec lequel elle ne s’entendait guère, se mit en tête de la marier. Pour le meilleur et pour le pire. Nous sommes en 1361, au château des Murmures sur cette « terre qui penche autour de sa rivière« . L’histoire qui va nous être contée est un récit à deux voix. Celle de Blanche enfant et celle de son âme vieille de six cent ans. L’une ne sait pas qu’elle va mourir. L’autre ne se souvient pas de ce qui a occasionné sa fin. L’une et l’autre se répondent dessinant peu à peu le fabuleux destin de cette enfant pas comme les autres.
« Je ne suis rien qu’une petite Minute, qu’un oiselot tout en os et je pique comme un chardon« , se désole Blanche qui n’a pas la langue dans sa poche et une seule obsession: savoir écrire son nom. Une gageure lorsque celui qui vous élève est persuadé qu’ »une fille qui sait lire et écrire c’est le diable dans la maison« . Qu’à cela ne tienne car Blanche n’est pas fille à se contenter de travaux d’aiguilles bercée par des chansons de geste dont l’auteur se plaît pourtant à émailler son roman. Comment saurait il en être autrement pour cette enfant privée de mère et contrée par son père! Long et ardu sera donc le chemin qui conduira la petite fille jusqu’au secret de ses origines et dans un même mouvement à celui des lettres de l’alphabet. Mais Blanche qui sait avec certitude l’issue de son combat n’est pas fille à faiblir: « les lettres sont de sucre et d’or (…) elles sont ma liberté à venir, elles feront de moi ma maîtresse et, bientôt, je pourrai broder BLANCHE au fil rouge sur ma petite chemise » affirme l’enfant dont le voeu sera bientôt exaucé: « signer, réparer, écrire ».
Roman initiatique peuplé d’ogres, de princes et de fées, « La terre qui penche » plonge le lecteur au coeur d’un univers où l’onirisme le dispute à la cruauté du réalisme médiéval. On se souviendra longtemps de la Dame Verte qui règne sur La Loue comme sur le cœur des hommes, ou de Bouc le cheval de Blanche qui, pour avoir tué un enfant et mordu trois hommes au visage, sera brûlé en place publique. Captif de cette prose à nulle autre pareille, le lecteur envoûté suit Blanche au fil de ses rencontres et de ses épreuves renouant ainsi avec son âme d’enfant. A l’issue de cette fable sur l’identité qui mêle inextricablement le mystère des origines à celui de l’écriture, l’héroïne qui aura progressé sur le chemin de sa vérité pourra enfin affirmer: « Je suis une femme à présent, une femme qui sait lire, je peux écrire mon nom. Je peux écrire en mon nom« .
« Je ne suis rien qu’une petite Minute, qu’un oiselot tout en os et je pique comme un chardon« , se désole Blanche qui n’a pas la langue dans sa poche et une seule obsession: savoir écrire son nom. Une gageure lorsque celui qui vous élève est persuadé qu’ »une fille qui sait lire et écrire c’est le diable dans la maison« . Qu’à cela ne tienne car Blanche n’est pas fille à se contenter de travaux d’aiguilles bercée par des chansons de geste dont l’auteur se plaît pourtant à émailler son roman. Comment saurait il en être autrement pour cette enfant privée de mère et contrée par son père! Long et ardu sera donc le chemin qui conduira la petite fille jusqu’au secret de ses origines et dans un même mouvement à celui des lettres de l’alphabet. Mais Blanche qui sait avec certitude l’issue de son combat n’est pas fille à faiblir: « les lettres sont de sucre et d’or (…) elles sont ma liberté à venir, elles feront de moi ma maîtresse et, bientôt, je pourrai broder BLANCHE au fil rouge sur ma petite chemise » affirme l’enfant dont le voeu sera bientôt exaucé: « signer, réparer, écrire ».
Roman initiatique peuplé d’ogres, de princes et de fées, « La terre qui penche » plonge le lecteur au coeur d’un univers où l’onirisme le dispute à la cruauté du réalisme médiéval. On se souviendra longtemps de la Dame Verte qui règne sur La Loue comme sur le cœur des hommes, ou de Bouc le cheval de Blanche qui, pour avoir tué un enfant et mordu trois hommes au visage, sera brûlé en place publique. Captif de cette prose à nulle autre pareille, le lecteur envoûté suit Blanche au fil de ses rencontres et de ses épreuves renouant ainsi avec son âme d’enfant. A l’issue de cette fable sur l’identité qui mêle inextricablement le mystère des origines à celui de l’écriture, l’héroïne qui aura progressé sur le chemin de sa vérité pourra enfin affirmer: « Je suis une femme à présent, une femme qui sait lire, je peux écrire mon nom. Je peux écrire en mon nom« .
De la belle ouvrage.
La terre qui penche – Carole Martinez – Gallimard – 368 pages
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