Salut à l’écrivain Rafael Chirbes, mort à 66 ans le 15 août, un grand d’Espagne
Rafael Chirbes Juin 1949 – Août 2015 … Desmotsdeminuit l’avait reçu en 2006 et en 2015. De lui on dira qu’il a travaillé la part sombre de l’individu, notamment quand il est cerné ou déterminé par le délire occidental de la possession ou de l’apparence…
D’eux on peut dire qu’ils sont des lanceurs d’alerte qui permettent de contextualiser les dégâts de la pulsion de mort et de l’abandon de toute forme d’idéal…
Parce qu’il sait qu’après « l’écrasement de toutes les hérésies égalitaires, il n’y aura pas de paradis sur terre », Rafael Chirbes, symptôme de son temps, de son pays et de son amnésie chronique, grand écrivain d’Espagne, continue d’écrire des livres qui empêchent de respirer… … et qui condamnent au vertige de ces vies qui se défont dans la puissance et la justesse des mots.
(Traduit de l’espagnol par Denise Laroutis)
Tout est parti d’une bonne intention, repérée au XVIIème siècle par le philosophe-démolisseur, chez René Descartes et Francis Bacon: « l’exploitation totale et méthodique » de la nature afin de nous en rendre « maîtres et possesseurs ».
Mais ce « programme commun » a abouti à une folie qui nous laisse:
– aliénés au travail mais sans œuvre ou chômeur,
– distraits mais sans loisir,
– sexuels mais sans amour;
à l’extrémité d’une chaîne de prothèses numériques qui autorise toutes les solitudes onanistes. Ceci pour faire court et en passant par Marx, Freud, Arendt, Gramsci et la « subordination résignée », Veil et la « docilité de bête de somme » ressentie quand elle était à l’usine. Taylor le « maniaque du chronomètre », Ford et Monsieur Toyota viennent eux incarner la phénoménale capacité du capitalisme à l’adaptation et à la régénération dans l’ultralibéralisme. La démonstration du dévoiement, commencé tôt dans le monde grec, des valeurs qui inspirent ces trois domaines (travail-loisir-amour) est imparable. Quand Dany-Robert Dufour expose l’ambivalence, dont nous ne sommes jamais sortis, de la philosophie à l’égard du travail, ce « refoulé du logos ». Elle le dégrade ou le valorise. Il est « l’affaire d’une classe d’hommes… assujettis, accaparés par des tâches servant à la production de biens et de services pour que d’autres, les philosophes, soient libres d’occuper tout leur temps à produire des œuvres de pensée. » Aux uns la grammaire, la musique, l’œuvre de civilisation. Aujourd’hui, la mondialisation et la configuration ou la reconfiguration du monde pour toujours plus de rente ou de retraites- chapeau. Aux autres, la mécanique répétitive des corps chez l’esclave ou, malgré l’acquis social, chez l’ouvrier de la chaîne; le réflexe pulsionnel chez le consommateur.
La page facebook des mots de minuit, une suite… Abonnez-vous pour être alerté de toutes les nouvelles publications.
@desmotsdeminuit
Articles Liés
- Rafael Chirbes, grand écrivain d'Espagne. "Sur le rivage"... A mourir de ruines!
Parce qu'il sait qu'après "l'écrasement de toutes les hérésies égalitaires, il n'y aura pas de…
- Nan Aurousseau, devenu écrivain après les barreaux 📚...
"Tripalium" interroge le rapport au travail. Rencontre avec celui qui est devenu écrivain... en prison.…
- Jean-Loup Chiflet, éditeur et écrivain
"Tripalium" interroge le rapport des français au travail. Aujourd'hui, rencontre avec Jean-Loup Chiflet, éditeur mais…
-
« Hollywood, ville mirage » de Joseph Kessel: dans la jungle hollywoodienne
29/06/202053120Tandis que l’auteur du Lion fait une entrée très remarquée dans la ...