« Si l’habitude est une seconde nature, elle nous empêche de connaître la première dont elle n’a ni les cruautés, ni les enchantements » (Marcel Proust – « Sodome et Gomorrhe »)
Cette fois, la fac m’a tuée. Sur les soixante dossiers maison que j’ai ramassés il y a quinze jours, j’ai déjà mis trois zéros pointés pour des copiés-collés éhontés de alalettre.com ou etudes-litteraires.com. Je suis presque sûre que quelques autres copies sont du plagiat de même acabit, mais comme je n’ai pas réussi à retrouver la source j’en suis réduite à leur mettre 15. Les dossiers écrits à la maison, c’est fini pour moi. Maintenant, ce sera devoir sur table ou rien.
En plus depuis dix jours, je reçois chaque jour des mails larmoyants d’étudiants dont l’imprimante est soudainement tombée en panne, qui n’ont pas pu imprimer leur travail à la fac en raison d’une affluence exceptionnelle en cette fin de semestre, qui n’avaient pas très bien compris les consignes que je leur ai pourtant distribuées en classe, envoyées par mail dès le début du semestre, et réexpliquées individuellement à la fin de chaque cours. Une élève au nom ronflant a même le front de m’écrire des mails de plus en plus insolents parce qu’elle n’a pas imprimé son dossier en temps voulu, et « ne compte pas se casser la tête à imprimer les cinq pages du dossier à la fac alors qu’elle me l’a envoyé par mail et que je peux le faire moi-même« .
Sans parler de la secrétaire du département qui me déteste parce que j’ai une allocation ministérielle pour faire ma thèse alors qu’elle essaye de finir la sienne depuis six ans, et qui me met des bâtons dans les roues dès que je lui demande un ordre de mission pour participer à un colloque. Quand elle a appris que j’habitais à Paris et que je faisais des allers et retours pour donner mes cours, j’ai bien vu son visage se crisper de désapprobation et depuis, c’est moi qui ravale mon exaspération dès que je franchis la porte de son bureau et qu’elle prend un malin plaisir à user de son infime pouvoir en me faisant attendre le plus longtemps possible. Parce que c’est sûr que si je n’habitais pas à Paris, j’aurais le temps de venir poireauter dans son bureau en buvant des cafés avec elle plutôt que de faire ma thèse à la BNF.
Ah la fac… Je dîne chez un ami qui fait des vacations à l’Université de Nanterre depuis septembre, mais qui ne sait toujours pas si son dossier de recrutement sera « accepté » puisqu’il faut trois mois pour traiter un dossier… Donc si on fait le calcul, les vacataires ne savent s’ils peuvent être payés qu’à la fin du semestre, une fois qu’ils ont fini de donner leurs cours. Et je peux en témoigner, quand je donnais des vacations à Paris 3, on est toujours payé au minimum deux mois après la fin des cours, en une seule fois. Quand on est payé. Parce que je connais aussi deux cas de vacataires qui n’ont jamais touché un centime puisque finalement, c’est bête, leur statut ne permettait pas de les recruter…
Au fond c’est vrai, on aime tellement la fac… C’est normal après tout d’y faire du bénévolat. Et puis comme on sera mal payé toute sa vie, autant se préparer tout de suite au déclassement.
À suivre.
Tous les vendredis, Le journal d’une thésarde, voir l’intégrale.
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Sans parler de la secrétaire du département qui me déteste parce que j’ai une allocation ministérielle pour faire ma thèse alors qu’elle essaye de finir la sienne depuis six ans, et qui me met des bâtons dans les roues dès que je lui demande un ordre de mission pour participer à un colloque. Quand elle a appris que j’habitais à Paris et que je faisais des allers et retours pour donner mes cours, j’ai bien vu son visage se crisper de désapprobation et depuis, c’est moi qui ravale mon exaspération dès que je franchis la porte de son bureau et qu’elle prend un malin plaisir à user de son infime pouvoir en me faisant attendre le plus longtemps possible. Parce que c’est sûr que si je n’habitais pas à Paris, j’aurais le temps de venir poireauter dans son bureau en buvant des cafés avec elle plutôt que de faire ma thèse à la BNF.
Ah la fac… Je dîne chez un ami qui fait des vacations à l’Université de Nanterre depuis septembre, mais qui ne sait toujours pas si son dossier de recrutement sera « accepté » puisqu’il faut trois mois pour traiter un dossier… Donc si on fait le calcul, les vacataires ne savent s’ils peuvent être payés qu’à la fin du semestre, une fois qu’ils ont fini de donner leurs cours. Et je peux en témoigner, quand je donnais des vacations à Paris 3, on est toujours payé au minimum deux mois après la fin des cours, en une seule fois. Quand on est payé. Parce que je connais aussi deux cas de vacataires qui n’ont jamais touché un centime puisque finalement, c’est bête, leur statut ne permettait pas de les recruter…
Au fond c’est vrai, on aime tellement la fac… C’est normal après tout d’y faire du bénévolat. Et puis comme on sera mal payé toute sa vie, autant se préparer tout de suite au déclassement.
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