Dany Laferrière 📚 Immortel mais pas trop.
La nouvelle condition d’Immortel de Dany Laferrière n’a rien changé à l’affaire. La preuve en 23 chroniques aussi gracieuses qu’éclectiques qui rappellent à bon escient que la mort ponctuera nos vies.
Un écrivain né à Port au Prince et résidant à Montréal, venant d’entrer à l’Académie Française et se targuant d’être le « Spécialiste mondial de la sieste » mérite plus que tout autre d’être écouté. Sur le chapitre de la poésie, Dany Laferrière est sans ambages:
«Voilà une chose dont on ne parle
presque jamais et qui devrait faire
partie de notre mode de vie urbain :
la lecture de la poésie».
Et sa prescription des plus claires :
«Chaque poème est autonome. Prenez deux poèmes par jour :
un le matin et un autre le soir.»
N’étant jamais si bien servi que par soi même, l’auteur du « Journal d’un écrivain en pyjama » a choisi de ponctuer son dernier ouvrage de courts poèmes venant illustrer à point nommé ses réflexions diverses et variées. « L’art de manger une mangue » donne le coup d’envoi de cet « Art presque perdu de ne rien faire » qui traite avec un égal bonheur de l’élection de Barak Obama et de l’origine du coup de foudre, du tourisme des pauvres et de la guitare hawaïenne, de la guerre en Irak et des effluves de l’ilang-ilang. On y croise également les auteurs de prédilection de l’écrivain : de Borges à Rilke en passant par Lewis Caroll.
Seul fil rouge de cet ouvrage que Dany Laferrière lui-même défini comme « le livre d’un dormeur » faisant la part belle aux associations d’idées : le temps. Celui qu’il fait mais plus encore celui qui passe. Le temps immobile de l’enfance à Petit-Goâve auprès d’une grand-mère capable de déguster un café pendant des heures entières, mais aussi le temps morcelé de nos sociétés au rythme effréné, ou bien encore le temps suspendu du désir. Planant au dessus de ce livre dont la légèreté n’est jamais qu’une manière de courtoisie : la mort. « Elle reste l’une des rares choses à laquelle on ne s’est pas habitué« . A celui qui feindrait de l’oublier, ce recueil n’a de cesse de le rappeler :
« Il y aura pour chacun de nous
Un dernier sourire à la caméra »
Il n’est guère d’antidote pour échapper au temps. Hormis la lecture que Dany Laferrière pratique avec assiduité de préférence dans sa baignoire. Un goût pour les mots qui remonte à l’enfance. « Je me rappelle, ce premier jour où je fus laissé seul avec un livre, avoir vu se rassembler sous mes yeux éblouis des lettres qui allaient devenir dans ma bouche un son unique« . Et une pointe de nostalgie pour ce temps béni où l’on nous faisait la lecture. « Il y a quelque chose qu’on a perdu et qui nous vient de l’enfance, c’est la lecture à voix haute. Beaucoup de livres, j’ai remarqué, sont faits pour être lus à voix haute.«
« L’Art presque perdu de ne rien faire » est de ceux là. Essayez! Ce ne sera pas du temps perdu.
L’Art presque perdu de ne rien faire 419p. Editions Grasset
La critique Littéraire desmotsdeminuit.fr
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