Se poser au lac pour mieux repartir… à Belgrade! Sur la voix des Balkans #08
Athina et Marius s’offrent un break au lac de Surduc non loin de Lugoj. Après trois jours en dehors du temps, ils partent à la rencontre de la capitale serbe: Belgrade…
Je suis « Sur la voix des Balkans » depuis un mois, déjà! Le bilan, le bilan, le bi…lent!
C’était charrette (chargé), c’était chouette, saperlipopette! La semaine dernière! Et puis nos discussions plus intenses les unes que les autres sur la vie, le voyage, la musique, la culture roumaine, les gens. Ajoute à tout ça la chaleur, autant te le dire franchement: on est sur les rotules!
On a grand besoin de faire une pause et le lac de Surduc est tout à fait ce qu’il nous faut.
Je me suis dit qu’un temps d’arrêt après le tourbillon serait toujours le bienvenu et en plus de ça, cela fait pile-poil 1 mois que je suis Sur la voix des Balkans. Tant d’aventures à mon compteur! Et dis donc, ça fait un mois que tu lis mes aventures?
Si c’est le cas ou même si tu as rejoins mon récit en cours de route, j’adorerais savoir que tu fais partie des abonné.e.s du mardi. D’ailleurs le mardi, c’est devenu un jour un peu spécial au fil des semaines dans ma nouvelle vie de nomade sans roulotte, sans tente, sans tipi. Qui dit mardi, dit que je boucle souvent dans la nuit du dimanche au lundi l’article. Le jour, je préfère vivre dehors plutôt que d’être 8h sur un écran. C’est alors la nuit que prennent forme toutes mes idées. Oiseau de nuit, je m’autorise parfois un p’tit shot de palincă pour rester au taquet! Je te jure, que ça peut aider quand vers 5h, tu commences à plus voir net du tout. La palincă vient te retourner les boyaux alors pas question de t’endormir sur tes lauriers ma p’tite! Je rembobine le film et voilà que tous mes sens sont en éveil, comme à la première heure. Mais ça, ça reste entre nous ! Chuuuut… C’est pas très professionnel, dis-donc Madame la Marquise, hic! Et puis, c’est ma petite trouvaille à moi.
Mais allez, tu peux essayer la prochaine fois que tu te retrouves dans le jus, hop là et tu verras!
Ah tu voulais savoir le bilan?
Laisses moi d’abord te raconter ma deuxième semaine avec Marius. Et les yeux dans les yeux, et la main dans la main, ils s’en vont, amoureux, sans peur du lendemain…
Chanter avec les grenouilles et définir ce nouveau nous qui pointe le bout de son nez…
Le lac de Surduc est un des rares endroits encore calme en ce début du mois de juillet, autant en profiter! Dans ce concentré de nature sauvage, il y a même une guinguette avec ses tables en plastique et ses parasols rouge et blanc pour un café le matin, une bière le soir. Ça sent les vraies vacances! Ah les pieds dans l’eau, les nuits sous les étoiles et les chants des grenouilles… Ça réveille en moi des souvenirs d’enfance. Toutes ces après midi passées au lac de Lupiac (Gers) avec ma copine Manue! Et à l’époque on n’avait pas de téléphone intelligent et son lot de “passe-temps” ou plus communément appelées “applis”, non, non non. On s’occupait à lire des magazines, faire des tests page 26 avec les résultats page 33 et puis on papotait des heures, on nageait bien sûr, et… pas de lac sans la très attendue barquette de frites/ketchup ou le Magnum enrobé de chocolat et pépites d’amandes qui fond en 2 minutes dans tes mains. Hummm, c’était tout simple mais qu’est ce que j’ai pu avoir comme fous rires allongée sur ma serviette bleu turquoise les cheveux remplis de sable.
Mais revenons à Surduc. C’est vrai que ça ressemble à Lupiac mais avec en plus la possibilité de dormir sur place dans des minis chalets douillets de 5m2, soit juste la place pour un lit double et une chaise. Alors? Pas mal le plan, non? Marius réserve 2 nuits pour commencer dans le cabanon numéro 4.
On se sent comme à la maison, ou presque.
Partis un peu sur un coup de tête en ne sachant pas combien de temps on y resterait, on a fait seulement le plein en fruits de saison au marché de Lugoj. Framboises, cerises, pêches et abricots qui sont liquidés en une journée! Alors la guinguette est notre seule option pour casser la croûte. Ici, il y a uniquement des frites et des micis, petites saucisses très grasses grillées que l’on retrouve dans tous les Balkans d’après Marius. Au bout du deuxième jour, on sature du régime frites/micis/bière! Nous voilà partis à la recherche d’un restaurant dans les alentours, et il n’y a rien en vue avant une bonne vingtaine de kilomètres. On finit dans un grand restaurant au bord de la route. Une soupe préparée dans le ceaun haiducesc, qu’on pourrait traduire par le chaudron du haïdouk accompagnée d’une salade de chou et nous voilà un peu plus requinqués. Néanmoins, aujourd’hui je me sens mal. On a eu une première crise et je ne m’en remets pas. Je recommence à douter…
Sur le retour du lac, on met la radio nationale dans la voiture pour se redonner du baume au coeur et ça marche! Les chansons traditionnelles roumaines me font revenir dans un mood plus détendu. Les cheveux au vent, je reprends confiance en ce “nous”. Oui car au fur et à mesure des jours passés ensemble, 12 jours exactement, j’ai compté sur mon petit calendrier, nous avons commencé à parler de ce nous. À faire des plans sur la comète… et y a pas le feu au lac, dis!
Faire un bbq sans viande en Roumanie, euh c’est possible?
Le mercredi, soit le troisième jour, nous décidons de prendre les choses en main: faire des courses! Ah bah oui, on avait préféré l’improvisation à l’organisation mais maintenant on veut nous aussi vivre comme des haïdouks ! Et la première chose pour jouer à Robin dans les bois, enfin au lac, c’est quoi? Se préparer un feu avec des petites brindilles et beaucoup de patience pour que “ça prenne”. Pas un feu pour faire mumuse et y chanter Les copains d’abord accompagné d’une gratte, non. Pas non plus pour y préparer la fameuse soupe dont je t’ai parlé plus haut dans son chaudron. Tu t’imagines bien qu’on n’a pas de chaudron sur nous étant donné qu’on n’avait même pas un bout de pain et un fromage, la base pour tout français qui part faire un pique-nique, n’est-ce pas?
Un feu pour survivre dans un camping sans tentes et un lac sans vendeurs de beignets chauds, un feu pour rassasier notre faim qui nous fait des grands “eeeeeeh oooooh” à force de brasser toute la journée, un feu pour se faire un barbecue mila diou (expression gersoise)!
Venir en famille, se faire un feu à même le sol entouré de quelques pierres et y faire griller de la barbaque, c’est le b.a-ba quand tu viens passer quelques jours au lac. Après les micis, la soupe avec plus de viande que de légumes, on avait un grand manque du fameux “5 fruits et légumes par jour”. Une idée jaillit: et si on faisait un barbecue végétarien? Bien sur quand tu vas lire ce passage, je vois déjà tes yeux montant au plafond.
“Tout ça, pour ça!” tu te dis peut être?
Ici, au fin fond de la Roumanie faire un bbq sans viande, c’est pas possible. Enfin ça ne se fait pas. Bref tout ça pour dire que ça nous a bien fait marrer de se sentir encore une fois un peu, beaucoup en décalage avec les locaux.
Passons.
Je pars donc préparer une salade composée dans la cuisine de la guinguette, vers 20h. À la base, j’étais partie demander juste un saladier mais on m’a carrément laissé m’installer dans la cuisine avec tous les ustensiles sous la main. Parfois un peu de confort en camping ne fait pas de mal! Les roumains et surtout à la campagne sont comme ça: sans chichis, aidants et accueillants. Depuis deux jours, ils nous saluent, on échange quelques mots et on nous demande même si on est mariés. “On vient de se rencontrer” est notre réponse. “Ah bon?” est la leur. Et on repart à notre cabanon main dans la main amusés.
Lorsque je reviens toute fière avec ma super salade de la mort qui tue, clairement j’y ai mis tout mon amour, Marius a préparé le feu.
Il fait nuit et je le vois en train de souffler sur les braises accroupi, les cheveux dans tous les sens. Ah il est là mon hérisson! Il s’applique lui aussi!
Quand il y a assez de braises, on met les courgettes coupées en tranches dans la longueur sur la grille. La même famille qui gère et la guinguette et la vie au lac pendant l’été nous a dépanné avec cette grille spéciale bbq qui a dû en voir passer des micis. Maintenant, il faut s’armer de patience… On reste là.
À regarder le feu, surveiller les courgettes sur les braises, et on fait même une petite fantaisie gustative: on badigeonne les courgettes avec un peu d’huile d’olive, sel et poivre. À la fin, quand les courgettes sont cuites, on glisse sur la grille des grappes de tomates cerises. Il faut encore attendre un certain temps pour qu’elles soient vraiment à point. Mais quand vient enfin le moment pour déguster nos légumes a la gratar (au barbecue), on a presque un orgasme culinaire tellement c’est incroyablement bon! Les tomates sont brûlantes et quand on y croque, on a tout le jus qui vient nous surprendre avec ce goût mi-boisé mi-sucré dans la même bouchée.
On est à ce moment même comme deux gamins jouant avec le feu… aïe ça brûle! Et nos papilles pétillent à chaque becquée que l’on se donne l’un à l’autre. C’est fou comme le bonheur c’est simple en fait.
Après les libellules, les petits poissons dans l’eau, partir en v(r)ille à Belgrade!
Le lendemain, si tu suis bien, on est jeudi.
On a envie de changer un peu d’ambiance en allant se frotter à la Serbie qui est à seulement 4 heures de route!
Je suis tellement heureuse de reprendre la route et Marius me dit: “On a une vie nomade mais il nous manque le bus!”, il pense à son combi aménagé qui est resté à Stuttgart!
On s’imagine un jour faire un tour du monde avec son combi, doux rêve.
On arrive sous les coups de 17h dans la capitale serbe et avant de rejoindre notre airbnb, on prend un verre sur la terrasse d’un café où la serveuse nous recommande la rue Skadarska si on veut écouter de la musique traditionnelle.
Pour notre première soirée, on se dirige alors dans la rue piétonne. Ici, des musiciens jouent de table en table dans chaque restaurant. C’est un peu la cacophonie car les restaurants sont collés les uns aux autres… et ça sent l’attrape-touriste à plein nez! Bon…
On se croirait au quartier latin à Paris, les musiciens qui jouent les mêmes airs en boucles en plus. Je veux fuir d’ici!
On continue jusqu’au bout de la rue histoire de voir toutes les possibilités. Parce que c’est vrai qu’il est déjà 22h30 et que l’on risque de se retrouver sur le carreau si on traîne trop à se décider.
Il y a un restaurant où ça joue avec un peu plus de passion qu’ailleurs!
Alors voir de plus près.
On s’installe à une table en terrasse. À côté de nous, tout le groupe: accordéon, contrebasse et deux guitares, joue pour deux hommes attablés qui chantent et se lamentent avec leurs pintes comme seules compagnes.
On s’imagine l’histoire: ce sont des Serbes qui travaillent à l’étranger et qui reviennent ici pour retrouver la musique d’antan. Ils ont le blues et se mettent dans tous leurs états à chaque fois qu’ils rentrent au pays.
Après ça, les musiciens jouent pour une table composée uniquement de femmes dont une est debout sur une chaise en train de se dandiner pendant que ses copines font des youyou, dansent autour d’elle et chantent.
Je vois la scène depuis notre table et je rêve de les rejoindre… On vient de nous servir notre commande mais je ne peux rester assise sur ma chaise.
Je pars les rejoindre!
Voilà qu’ils jouent maintenant un air que je connais d’oreille, je me mets à chanter et les femmes m’encouragent à monter sur la chaise en plastique. Je me lance et danse avec tout autour de moi leurs visages illuminés, et leurs danses. Telle une reine de gala, à la fin quand je descends de mon perchoir, une d’entre elles me serre dans ses bras et me félicite avec ses mots et son sourire.
Je repars à ma table satisfaite d’avoir suivi mon élan, mon intuition.
Les musiciens font une pause puis viennent à notre table. C’est notre tour! Je finis par chanter avec eux Djelem Djelem.
Encore et toujours, on y revient! C’est un peu comme La javanaise, une chanson que tout le monde joue à toutes les sauces. On a beau l’avoir déjà entendu 100 fois, on ne s’en lasse pas. Enfin, peut-être que je ne dirais pas la même chose dans 3 mois…
Découvrir une kafana à Belgrade, ce lieu où se réunit la jeunesse pour boire, fumer et chanter
Pour notre deuxième jour, nous restons dans le quartier de notre appartement avec balcon situé au 13ème étage d’un immeuble décrépi. Ce qui me frappe l’œil ce sont les systèmes de climatisation accrochés sous les fenêtres. Et puis quand on marche un peu et que l’on quitte la grosse artère bruyante, on découvre un quartier attachant. Maisons du début du XXème siècle avec jardins, arbres fruitiers où l’on fait notre marché, balcons en fleurs, chat sauvage gris allongé sur une murette et puis quelques maisons modernes, souvent sans charme à côté des villas Art déco.
Pour le soir, il y a les kafanas pour écouter de la musique serbe. On tente la première adresse Kafana Pavle Korcăgin, au fond d’une petite ruelle. C’est complet pour ce soir! On repart bredouille.
Néanmoins, j’avais noté dans mon carnet de route deux autres kafanas: toujours avoir un plan b.
On se dirige vers la Kafana Konoba Akustik, de l’autre côté de la ville.
Bar enfumé où tout le monde chante mais je ne suis pas touchée comme je l’ai pu l’être en Roumanie par la musique… À vrai dire, au bout de la troisième chanson, ça m’ennuie sérieusement et heureusement l’accordéon retient mon attention. Après la pause, nous rentrons au bercail.
Petit coup de stress sur la route du retour: contrôles à la frontière serbe…
Après une longue discussion, Marius m’annonce qu’il doit rentrer à Stuttgart pour reprendre son travail. Le voyage à deux touchent à sa fin. Cela fait déjà quinze jours que l’on est 24h/24 ensemble et voilà que s’approche notre séparation.
Séparation physique, j’entends. On compte bien rester en contact et continuer notre romance d’un façon ou d’une autre…
Nous quittons donc Belgrade, direction Timişoara! Je me dis que je peux passer quelques jours dans cette ville connue pour sa vie culturelle forte et voir ce qui s’y trame.
Sur la route, on déjeune dans un restaurant d’une autre époque: que des hommes, ça fume, menu : soupe, salade de chou et plat pour 350 dinars soit 3,5 €, Roland-Garros à la télévision et, en face de notre table, deux vieux raide-bourrés qui marmonnent dans leur barbe tout en me fixant.
Bien rassasiés mais pas saouls pour un sous, on reprend la route.
Au moment d’aborder la frontière, on nous demande “Why Beograd?”, Marius répond en toute franchise “For listen music”. On nous demande de nous garer: contrôle de toute la voiture et de toutes nos affaires… et fouille corporelle. La totale!
On sort tout sur le bitume. Deux hommes s’affairent à défaire chaque sac et inspectent à la lampe de poche les recoins de la voiture, démontent au tournevis les pièces à l’avant pendant qu’un troisième homme reste debout et nous observe. Nous n’avons rien: pas d’alcool, pas de drogue, pas de cartouches de cigarettes, pas de chocolats. Juste des outils de camping pour couper le bois et des pneus sous-gonflés. Ils n’ont rien dit… On a loupé de peu l’amende pour les pneus, me dit Marius.
Ce moment stressant fait remonter tous les souvenirs à la surface comme un boomerang. Marius fait les aller retours Allemagne/Roumanie avec sa famille depuis plus de 20 ans. Il a tant d’histoires dans son sac. Il m’explique: avant que la Roumanie entre dans l’Union Européenne, les contrôles pouvaient durer des heures et des heures…
L’hiver, c’était le pire quand il fallait rentrer pour les fêtes. Au beau milieu de la nuit, fatigués, ils attendaient dans le froid. “Ils ne nous proposaient pas de rentrer car ils boivent à l’intérieur…” me confie Marius.
Nous voilà de retour en Roumanie et on voit déjà les cigognes en haut de leur nid installées sur les poteaux électriques. România te iubesc (Roumanie, je t’aime),il répète au volant de sa Subaru.
Bientôt nous arriverons à Timişoara, et il paraît qu’il y a un festival de jazz justement pour notre dernière soirée en amoureux…
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