đ « Les gratitudesâ de Delphine de Vigan: la vie en EHPAD
Sujet dâactualitĂ© que celui du dernier roman de lâauteur de Rien ne sâoppose Ă la nuit qui raconte avec finesse et empathie les ravages du grand Ăąge. Bouleversant.
Câest lâhistoire de Michka, « une vieille dame aux allures de jeune fille. Ou une jeune fille devenue vieille par inadvertance« , qui du jour au lendemain quitte son domicile et se retrouve en EHPAD. LĂ , comme dans la majeure partie des cas, commence la dĂ©gringolade. Ni les visites de Marie dont elle sâest occupĂ©e lorsquâelle Ă©tait enfant, ni celle de JĂ©rĂŽme, orthophoniste attentif, nây pourront rien changer. La mort est au bout du chemin. AnnoncĂ©e dĂšs lâincipit du livre. « Aujourdâhui, une vieille dame que jâaimais est morte. Je disais souvent: «Je lui dois Ă©normĂ©ment.» Ou peut ĂȘtre que sans elle, je ne serais plus là ». Je disais «Elle compte beaucoup pour moi» (âŠ) Mais lâai-je assez remerciĂ©e? Ai-je suffisamment montrĂ© ma reconnaissance? Ai-je Ă©tĂ© assez proche, assez prĂ©sente, assez constante? » sâinterroge la narratrice.
Si Delphine de Vigan sâintĂ©resse Ă un fait de sociĂ©tĂ© des plus prĂ©occupants, elle le fait Ă sa maniĂšre toute en finesse et sensibilitĂ©. Inscrit dans le droit fil de son prĂ©cĂ©dent roman, ce dernier poursuit son exploration des sentiments qui rĂ©gissent nos vies. AprĂšs les loyautĂ©s, la gratitude dont notre sociĂ©tĂ© semble avoir oubliĂ© le sens. Ce nâest pas le cas de Marie pour qui Michka a toujours Ă©tĂ© lĂ dans les moments difficiles. Que ce soit lorsque sa mĂšre ne parvenait plus Ă sâoccuper dâelle. Ou plus tard, lors de son hospitalisation. Ce nâest pas non plus celui de la vieille dame qui veut Ă tout prix retrouver ceux qui lâont recueillie pendant la guerre.
Brel avait composĂ© une chanson bouleversante sur ce que signifie vieillir –Les vieux-, Delphine de Vigan a composĂ© un roman qui lâest tout autant. Faisant alterner les monologues de Marie et ceux de JĂ©rĂŽme, elle retrace les derniĂšres heures dâune vieille dame qui perd ses mots alors quâils ont Ă©tĂ© toute sa vie, dit «robe des champs» au lieu de robe de chambre, «merdi» au lieu de merci et «perdre la bĂȘte» au lieu de perdre la tĂȘte. «Vieillir, câest apprendre Ă perdre» Ă©crit la romanciĂšre «Encaisser chaque semaine ou presque, un nouveau dĂ©ficit, une nouvelle altĂ©ration. (âŠ) Perdre la mĂ©moire, perdre ses repĂšres, perdre ses mots. Perdre lâĂ©quilibre, la vue, la notion du temps, perdre le sommeil, perdre lâouĂŻe, perdre la boule».
Alors nâoubliez pas de dire merci tant quâil est encore temps, rappelle Delphine de Vigan.
Les gratitudes de Delphine de Vigan – Ădition JC LattĂšs – 192 pages
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