N’Djamena, capitale des insectes. Les carnets d’ailleurs de Marco & Paula #173
Paula débute sa nouvelle aventure humanitaire au Tchad avec un accueil exubérant de la gente à mandibules.
Déballer l’essentiel …
Comme je n’avais droit qu’à un seul bagage supplémentaire, mes trois malles ne contiennent que l’essentiel ou ce que je pensais être essentiel. En les déballant, j’ai vite constaté que l’essentiel est une notion variable chez moi et je regrette certains des arbitrages que j’ai dû faire. Aussi, j’ai profité de la flemmardise de mes collègues ce samedi matin pour compléter les quelques courses basiques que j’avais faites le jour de mon arrivée. Je savais pouvoir profiter de la voiture sans concurrence.
En effet, nous sommes quatre expatriés à circuler dans le même véhicule. Il nous est interdit de conduire nous-même ou de prendre un taxi, aussi un chauffeur est en permanence à notre disposition. Heureusement le premier cercle de N’Djamena est assez étroit, donc les rotations sont courtes. Dans le jargon humanitaire, le premier cercle est le lieu où se concentrent les institutions internationales et les ONG. Il correspond plus ou moins au centre-ville mais peut en être éloigné quand celui-ci est infréquentable pour être trop embouteillé comme à Lagos au Nigeria ou trop dangereux comme à Port-au-Prince en Haïti.
Il pleut, il pleut encore …
Le centre-ville me rappelle Brazzaville: très calme, circulation fluide et routes en terre dès qu’on quitte les voies principales. Il semble y régner une torpeur permanente mais je ne peux pas encore être affirmative car je circule tôt et tard dans la journée et surtout l’école n’a pas encore repris. Un chauffeur m’explique que les écoles tchadiennes n’ouvriront qu’à la fin de la saison des pluies quand les routes seront redevenues praticables partout.
Car il pleut encore. Plus tard que normalement. Si ce « normalement » est bien peu scientifique, il traduit le constat d’un changement climatique avec tous ses corollaires. Depuis mon arrivée, nous travaillons sur la programmation de 2019. Nous n’en sommes pas encore à l’étape des budgets détaillés mais il nous faudra bientôt choisir la planification des interventions liées aux saisons. Une saison des pluies qui se prolonge décale ou raccourcit la durée d’activités comme les forages de points d’eau avec une conséquence budgétaire certaine.
Récemment, un ami constatait qu’il avait fait des centaines de kilomètres en voiture à travers la France et qu’il n’avait pas eu besoin de nettoyer son pare-brise. Les insectes n’étaient plus. Ou ils étaient partis ailleurs. Maintenant je sais. Ils sont au Tchad. Car ici, la pluie est aussi synonyme d’insectes. Il y en a partout. De toutes les tailles, de toutes les formes. Ils crissent, stridulent, grouillent, rampent, sautent, volent, prennent ma tête comme piste d’envol ou ma chair comme bar de nuit. J’ai benoîtement installé une chaise dehors pour mon coin fumeur mais je n’en profite que le matin. Le soir, je dois m’engoncer dans des tissus, m’asperger de répellents pas-vraiment-bons-pour-la-santé ou agiter un lourd éventail en osier pour éloigner ces joyeux noctambules. Hier soir, j’ai décidé que fumer dans ma cuisine n’était pas un crime.
Insectes porteurs …
Et que nettoyer celle-ci à la moindre tache n’était pas un TOC (trouble obsessionnel compulsif). Ce dont se moquent plus ou moins gentiment mes proches. Je n’ai simplement pas envie d’attirer des insectes dévoreurs de mes tablettes de chocolat!
Ces insectes portent le paludisme et quelques autres maladies tropicales au nom plus ou moins imprononçables. J’ai dû me résoudre à prendre un traitement prophylactique de trois semaines, le chef de mission et son intérimaire que je remplace sont rentrés en France avec le palu, l’un étant hospitalisé d’urgence. Mais je ne m’inquiète pas plus que ça. Dans le milieu humanitaire mais pas seulement, le pays d’intervention est souvent décrit comme étant le pire. J’ai mon classement personnel et pour l’instant, je ne pose pas le Tchad en tête de liste. Laissons-lui une chance.
Sauf pour la connexion Internet. Nous avons beau avoir une belle antenne dans le compound dans lequel nous résidons, le résultat est pointilliste.
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