Jean Echenoz et Pierre Michon: la commune fragilité des monuments… #124

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Pour la fin du salon du livre controversé 2015, desmotsdeminuit vous offre un plaisir littéraire. En 2003, nous réunissions Jean Echenoz et Pierre Michon, deux compères qui font en France une excellence de plume. Le premier parle de la dimension physique de l’écriture signe à l’époque « Au piano » et « Jérôme Lindon »; le second qui cherche en elle l’ivresse, « Abbés » et « Corps du roi ».

Des mots de minuit n°124. 12 février 2003.
Réalisation: Jean François Gauthier
Rédaction en chef: Rémy Roche
Production: Thérèse Lombard et Philippe Lefait
©desmotsdeminuit.fr

 

Les journées Pierre Michon (« Éloge de la langue ») à Lagrasse les 23 et 24 juin 2018

De Pierre Michon et de Jean Echenoz, ne rien dire que les citer…   

« Elle m’offrit ses dents blanches, la fougue de ses yeux; toujours riant elle se suspendit à la limite de l’ombre, résolument me tourna le dos, un interminable instant elle se campa dans ce soleil marbré de feuilles où flambèrent ses cheveux, ses jupes d’azur énorme, le blanc de ses mains et l’or de ses poignets, et quand dans un rêve ces mains se portèrent à ses jupes et les levèrent, les cuisses et les fesses prodigieuses me furent données, comme si c’était du jour, mais un jour plus épais; brusquement tout cela s’accroupit et pissa. Je tremblais. Le jet d’or au soleil sombrement tombait, faisait un trou dans la mousse. La fille ne riait plus, tout occupée à serrer haut ses jupes et sentir d’elle s’évader cette lumière brusque; la tête un peu penchée, inerte, elle considérait le trou que cela faisait dans l’herbe. La défroque d’azur lui bouffait à la nuque, craquante, gonflée, avec extravagance offrant les reins. Dans le carrosse, dont la porte peinte battait encore un peu tant la pisseuse l’avait allègrement poussée, il y avait un homme accoudé, en pourpoint de soie défait, qui la regardait… » 
Pierre Michon: « Le roi du bois ». Verdier, 1996.

« Cette question de stationnement résolue, Baumgartner extrait sa valise du coffre de la Fiat et se dirige vers l’entrée de l’hôtel. Il n’y a pas longtemps que la façade a dû être repeinte, des constellations lactées s’étirent discrètement dans quelques-uns de ses angles et le hall baigne dans une odeur de badigeon blanc, aigre et frais, qui rappelle celle du lait tourné. On distingue autour du bâtiment quelques traces de chantier récent, loques de plastique souillé qui s’accumulent dans des conteneurs situés aux limbes du parking, planches engluées de ciment empilées en vrac dans un angle mort. Emaillé pour sa part de plaques rouges sur le front, le réceptionniste se gratte fièvreusement l’épaule droite en vérifiant sur son registre la réservation de Baumgartner… » 
Jean Echenoz: « Je m’en vais ». Les Editions de minuit, 1999.

Musique dans l’émission avec:

  Ray Lema pour Nalelela et Greenlights de l’album Attac ta dette.
 

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