Double jeu et self-control: un nouveau magicien intello

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« Voler une montre ou voler une pensée, tricher avec ses doigts ou tricher avec sa tête, est-ce toujours si différent ? » C’est ce que nous demande David Stidler, le nouveau magicien intello, dans Double jeu, à la Comédie Saint-Michel. Réponse en actes, pour ceux qui croient encore que la télépathie n’existe pas. Jusqu’au 4 juillet 2015.

L’année dernière, on avait vu Magic in the moonlight qui nous en avait convaincus: la magie est une belle illusion et les médiums ne sont que des menteurs plus habiles que les autres qui jouent avec nos sens et nos crédulités. Un peu de fausse ingénuité et un charme indéniable, quelques complices et beaucoup d’imagination suffisent à abuser les seuls esprits crédules –mais Colin Firth n’en est pas et nous non plus. Les phénomènes les plus invraisemblables ont toujours une explication rationnelle. Pourtant, quand on ressort de Double Jeu, le spectacle de David Stidler à La Comédie Saint-Michel, on croirait presque à la télépathie et on regrette de ne pas avoir été élu pour la séance d’hypnose. Dans son costume trois pièces qui lui donne un petit air de Simon Baker dans The Mentalist, ce jeune magicien qui n’est même pas trentenaire capte d’emblée l’attention par un humour sarcastique et une autodérision qui feraient presque oublier sa maîtrise implacable de la rhétorique –ce qui est déjà louche. Parce qu’on se rend vite compte que ce spectacle très bien scénarisé repose autant sur la virtuosité technique des tours que sur l’art de raconter des histoires: dans la fable du corbeau et du renard, David Stidler serait le renard qui ressort les poches pleines du casino de Las Vegas, tout en nous expliquant, s’excusant presque d’un air narquois, que la vie est affaire de tromperie. Le mot de tricherie lui échappe, jeux de cartes oblige, mais il a trop d’élégance pour qu’on songe à le lui appliquer.

 

Double jeu, David Stidler

En une heure et quart de spectacle, David Stidler fait jaillir un verre de grenadine d’un sac en plastique qu’on avait vu totalement vide, multiplie les tours de cartes qui bluffent les spectateurs les plus attentifs, et repousse les limites de nos croyances en lisant dans les âmes ou les cœurs de différents cobayes choisis au hasard dans la salle. Une dizaine de personnes se succède sur scène, et c’est un peu beaucoup pour qu’ils soient ses complices. Au fil du spectacle, on retrouve une crédulité d’enfant, même s’il faut rester relativement concentré pour ne rien perdre des anecdotes par lesquelles David Stidler enrobe ses tours, peut-être pour détourner notre attention du double jeu qui se trame sur scène. Et on a beau écarquiller les yeux et les oreilles, vérifier qu’il n’y a ni miroirs ni double fond, on ne comprend pas comment il fait.

 

Double jeu, David Stidler

La salle est d’ailleurs exclusivement remplie d’adultes, voire d’adolescents, captivés par ce magicien intello qui a laissé dans les coulisses ses brillants diplômes et ses études à Normale Sup et à Harvard, comme une double vie. Mais on se dit qu’ils doivent bien ressortir sans qu’on s’en aperçoive, au détour d’une allusion historique ou érudite, comme un lapin d’un chapeau à double fond. Pour nous prouver qu’on est toujours plus surprenant qu’on ne le croyait soi-même : la preuve, quand on retrouve le boulevard Saint-Michel, on croit à la magie.

 

 

Double Jeu de David Stidler, La Comédie Saint Michel (Paris).
Jusqu’au 4 juillet 2015.

Sortir avec desmotsdeminuit.fr

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