« Barbe-Neige et les Sept Petits Cochons au bois dormant »: danse avec le loup
Un festival iconoclaste! La chorégraphe Laura Scozzi décortique les contes de fées pour en pointer, en dentelles, leurs représentations angélistes et machistes. La satire est toujours plus dure quand elle est douce, quand elle est drôle et sans sentence.
Enfants, ils nous ont bercés, même quand ils étaient effrayants. Des psychanalystes les ont mis sur leur divan pour en cerner les tenants et les aboutissants (il y a matière à tentative d’exégèse…), les contes de fées manipulent le magique. Donc il y a un truc, c’est bien ce que propose de suggérer Laura Scozzi qui a conçu un spectacle enchanteur bien que rageur. Enchanteur car plein de finesse et de grâce, rageur parce qu’elle a en a visiblement marre des stéréotypes véhiculés par ces bluettes qui ont fait le fond de commerce de Disney et d’autres représentations simplistes: de beaux princes, mâles, musclés et riches chevauchant leurs étalons pour conquérir de pauvres (mais tellement jolies) petites créatures féminines qui ne peuvent que succomber et se soumettre. « Nous n’avons jamais la suite de l’histoire: vingt ans de mariage, quatre gosses et une crise boursière après« , remarque-t-elle perfide, « Barbe-Neige et les Sept Petits Cochons au bois dormant est une satire cinglante. Mais l’humeur en reste joyeuse« . En effet, et c’est pour ça que le moment est délicieux. Car pour accompagner le propos critique, évidemment féministe, sans doute politique, la chorégraphe milanaise va à l’encontre de sa colère. En se servant des codes pour mieux les détourner, elle démonte et singe le merveilleux sans en quitter l’univers. Le pamphlet passe d’autant mieux.
Laura Scozzi
Née à Milan, Laura Scozzi commence la danse à l’âge de six ans et explore toutes les techniques: danse classique, claquettes, contemporain… Après des études de sociologie et de photographie, elle fait son apprentissage à l’Académie Nationale d’Art Dramatique de Rome, puis à l’École de mimodrame Marcel Marceau. Depuis 1994, à la tête de la compagnie Opinioni in Movimento, elle combine danse, chant, théâtre, avec un sens redoutable de l’extravagance. Depuis 2008, elle signe ses propres mises en scène d’opéra.
Au service, huit danseurs, 4 femmes, 4 hommes, qui s’interchangent les rôles et les costumes, à la discrète technique parfois impressionnante. La pièce n’interroge pas seulement les mythes, elle démonte aussi la danse et là aussi ses clichés, mêlant à une façon classique (pointes comprises) les inventions contemporaines, hip-hop et autres trouvailles du pantomime moderne.
Barbe-Neige et les Sept Petits Cochons au bois dormant
conception et mise en scène Laura Scozzi
Paris – Théâtre du Rond-Point – jusqu’au 31 janvier – en tournée ensuite.
À force de subvertir les mythes, manipuler les codes, malaxer les clichés, tous les personnages ont perdu la maîtrise de leurs destinées, en nous offrant le miroir « mon beau miroir » de nos actualités amoureuses.
Laura Scozzi
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