Jacques Lassalle (1936-2018): « Le théâtre 🎭 c’est ouvrir et déplier le texte! »
« Une qualité de vitalité, un rayonnement » : Ce que dit le metteur en scène des stars qu’il fait jouer! Dans cette émission, on lui appliquera l’appréciation. Il a l’oeil qui frise, la passion des mots et du cinoche qui affleure, la vigilance qui jamais ne fait défaut. Il porte l’immense question du sens du théâtre : toujours « une fuite hors de soi et une interrogation infinie des limites » …
Production: Thérèse Lombard et Philippe Lefait
©Desmotsdeminuit/France2
Ces objets qui disent la personne : une pipe « qui protège longtemps » avant que le poumon renacle, un lecteur de cd (nous sommes en 2011, quand-même!) pour écouter loin, Schubert, Beethoven ou Mozart, ou du jazz quand il s’agit d’aller partout de la Pologne à l’Argentine en passant par Pékin. Aller partout pour mettre en scène, même si on ne possède pas la langue, parce qu’une unité finit toujours par arriver.
On le connaissait surtout comme metteur en scène. Il aimait aussi le cinéma mais fut d’abord un grand amoureux des mots au point de placer « l’écriture au centre de ma vie ». Publié chez P.O.L, « Ici moins qu’ailleurs » termine une trilogie que l’écrivain qu’il fut consacrait à sa vie et à la scène. Certes, dit-il dans ce « mot à mot », « le commerce des grandes œuvres rend très audacieux l’acte d’oser écrire », mais son besoin de transmettre noir sur blanc a été plus fort. Une façon pour lui d’apprendre à sourire et de mettre à distance, un lieu « d’apprentissage d’une sérénité, d’une fraternité et d’un partage … »
Avec Jacques Lassalle disparaît une vision du théâtre. Son parcours l’a conduit de « la banlieue rouge » (Studio-Théâtre de Vitry) au TNS puis à la Comédie Française d’où il sera éjecté par un caprice ministériel et estival de Jacques Toubon en 1993 avant d’aller mettre en scène son savoir-faire partout dans le monde …
Il y a trop de comédiens qui entrent en scène aujourd’hui sans savoir pourquoi ils le font!
Jacques Lassalle. DMDM, 2011.
La manière de faire du théâtre de celui qui a administré la maison de Molière passait aussi par le recours aux stars (Huppert, Depardieu) -ce qui lui fut reproché. Chez elles et dans leur « terrible destin », il trouvait une qualité de vitalité et de rayonnement. Dans cette émission, il exprime la nostalgie d’un temps béni du théâtre, quand son enjeu était de parler du monde. Il regrette aussi que cette transcendance ait disparu, qu’il soit devenu très formaliste et que « chacun fait dans son petit coin ». Sa critique des medias fut virulente. S’il ne fallait ne retenir que deux mots de l’homme Lassalle dans cette conversation DMDM : attachant et présent, terriblement!
Nous mettons en scène non pas ce que nous savons, mais ce qu’obscurément nous cherchons. Nous mettons en scène ce qui d’une œuvre nous reste secret, même si nous l’avons lue souvent, même si nous en avons vu beaucoup de représentations. Ses mystères nous appellent, nous hantent, et pourtant, si nous parvenons à les percer à jour, nous découvrons que nous en détenions déjà la clef mais que nous ne savions pas que nous la détenions. Ainsi de nos vies.
Ici moins qu’ailleurs, éd. P.O.L.
► La page facebook desmotsdeminuit.fr Abonnez-vous pour être alerté de toutes les nouvelles publications.
Articles Liés
- "Midi Py, la quotidienne..." Le théâtre à l'école. 15 juillet 2018
""Tous les enfants doivent faire du théâtre à l'école" a dit la ministre aux écoliers…
- Théâtre. "Laïka", fulgurante mise en maux d'un texte de Ascanio Celestini
David Murgia étincelle à nouveau dans un éblouissant texte salé-sucré d'Ascanio Celestini sur la précarité…
- Le pas de Jacques Roubaud et la voix d'Emmanuel Merle. "Les langagières 2018" #2
Le TNP veut faire vivre pendant quinze jours à Villeurbanne "la langue dans tous ses…
-
« Hollywood, ville mirage » de Joseph Kessel: dans la jungle hollywoodienne
29/06/202052670Tandis que l’auteur du Lion fait une entrée très remarquée dans la ...